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Que ce soit en émission ou à l’occasion de différentes chroniques : on ne cesse de le répéter. La représentation que se fait l’imaginaire collectif du rap/hip-hop souffre beaucoup du manque de considération que reçoit l’aspect instrumental. Ce dernier n’est certes pas à dissocier totalement de la dimension textuelle, mais c’est la manière dont les deux s’arrangent et vont ensemble qui fait la qualité d’un projet. Le flow d’un rappeur peut être mis en valeur par une prod et inversement.

De plus, ne pas être attentif à l’aspect production d’un album élude une bonne partie de la richesse de ce dernier : la production comporte souvent des références culturelles, musicales ou pas (films…) qui ouvrent de nombreuses portes.

Si l’on veut donc appréhender le rap dans sa totalité et surtout le connaître plus en profondeur il faut prêter attention à toute la partie instrumentale, et à la façon dont elle entre en osmose avec la voix.

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Comme bien souvent, la scène française a tendance à suivre les tendances outre-Atlantique. À la manière d’Apollo Brown, de Riddle ou de Madlib, on voit des artistes français issus d’une génération nouvelle remettre l’intérêt la production au goût du jour, par rapport à une autre frange du rap qui s’appuie sur des instrus très électroniques et dures, davantage tournées vers une recherche d’efficacité. C’est de cas de DJ Lo’, connu pour son appartenance au collectif 1995 mais également pour ses nombreuses collaborations, avec Georgio et Lomepal notamment. C’est également le cas de Juxebox, que nous avons déjà eu le plaisir de rencontrer et qui a présenté son nouveau projet, Noise Solution, le 2 février dernier.

Le titre de cet EP 5 titres parle de lui-même : il s’agit de s’isoler et de faire abstraction des bruits ambiants qui nous agressent au quotidien. Mais est-il uniquement question de lutter contre la pollution sonore ?

On débute avec le morceau éponyme, qui annonce d’emblée la fracture avec les prod’ qu’on a eu le loisir d’écouter sur l’album d’XLR, Rue du Bon Son. Alors que ces dernières, bien que très aériennes et légères, apparaissaient comme rythmées et mordantes, les premières notes de Noise Solution proposent une ambiance bien plus feutrée et évanescente. On se rapproche dans le style des créations atmosphériques du beatmaker américain Clams Casino (notamment sur son album Instrumentals sorti en 2011). On se trouve donc devant un schéma de nappes de synthé qui se superposent en douceur, suppléées par une rythmique un peu plus tranchante. Ce cadre sera conservé tout au long des cinq titres, ce qui offre un échantillon de l’étendue des possibilités en beatmaking et de l’aisance avec laquelle Juxebox passe d’un style à un autre.

On The Radio, deuxième morceau de l’album, illustre le fait qu’une production comporte un bagage culturel. En effet le son débute par un dialogue de film : comme dans Innercity, on s’aperçoit qu’une musique peut émaner d’une réflexion et être reliée à d’autres œuvres artistiques par le biais de cette réflexion. Le morceau alterne des portions ténues et d’autres plus rythmées, avec à la fin une modulation.

Le plus beau titre de l’EP est d’après-moi Confusions, qui fait preuve de beaucoup de subtilité et de douceur. On y trouve une utilisation presque lancinante du saxophone, déjà présent dans Mr.Poissard et Périphérique d’XLR. Toutes les sonorités, très rondes, paraissent amorties et on se laisse bercer.

Lorsqu’on contemple la tracklist, l’un d’entre eux interpelle en particulier : le remix de Les Gars, à l’origine paru sur une prod de Hologram Lo’ en 2012 dans le cadre de Alias Darryl Zeuja. Ce très bon projet avait marqué, et on a hâte de voir comment Juxebox s’en est servi. À la base, la prod était assez nonchalante, et s’appuyait sur quelques notes de piano et une batterie. La trame du morceau a ici été revisitée de fond en comble, et c’est une vraie redécouverte que nous offre le beatmaker Montpelliérain : l’instru est atmosphérique au possible, et témoigne d’un vrai travail, beaucoup plus fin qu’une simple utilisation du morceau d’origine : on le rhabille totalement.

Noise Solution termine sur MTP Blues, un morceau qui fait référence à la ville natale de Juxebox, et dont la dernière minute semble être le bruit apaisant d’un front de mer, où le fracas des vagues se mêle au sifflement du vent. Ces sonorités sont dans la continuité de l’atmosphère générale et relève une fois de plus d’une utilisation originale.

Cette chronique, si elle n’a aucun fondement technique, se base plutôt sur du ressenti. C’est un projet très cohérent et bien léché que nous livre Juxebox. On regrette cependant qu’il soit un peu court, mais nous pardonnerons si cela présage de nouvelles créations !

Retrouvez la chronique de Deeplodocus d’Hologram Lo’ :

http://dynamhit.org/hologram-lo-deeplodocus/

Retrouvez également l’interview de Juxebox à l’occasion du passage d’XLR à L’Affranchi :

Rédigé par

Brendan Roué

Président // Pôle Partenariat // Référent Back to Black