top 10 albums reggae
« Ce sont les lois qui engendrent le crime et la violence. Les rastas ne croient pas à la violence. Les rastas ne croient pas. Ils savent. »

Chers lecteurs, si ces doux mots de Bob Marley inspirent vos actes au quotidien, j’aime à penser que le rastafarisme est pour vous une religion, et qu’ainsi, cette palette d’albums présentée ci-dessous ne sera en aucun cas pour vous une découverte. Mais, pour les autres, « ceux qui ne savent pas », donc, nous avons pensé à la rédaction de Dynam’hit qu’il était nécessaire d’établir un ersatz de Top 10, que je n’appellerai pas comme tel vous l’aurez compris, en raison de la difficulté à classer ces opus les uns par rapport aux autres. Voici par conséquent, une liste pêle-mêle de dix albums reggae qui, à mon sens, méritent d’être écoutés au moins une fois par tous les citoyens de cette planète.

TOOTS & THE MAYTALS – Funky Kingston – Dragon Records (1973)

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On entre directement dans le vif du sujet avec l’excellentissime Funky Kingston de Toots & The Maytals. En 1973, lorsque la bande à Toots Hibbert enregistre l’opus en studio, le reggae reste un style difficilement exportable et donc peu connu à l’étranger. Catch a Fire des Wailers sorti la même année étant connu pour avoir été le premier du genre à devenir un succès hors de sa Jamaïque natale. Très actifs sur la scène musicale locale dans les années 60, les Maytals pondent ce chef d’oeuvre qui respire la paix et l’empathie en 1973, après avoir contribué à l’appellation de ce style avec leur hit Do The ReggayPour la petite histoire, deux versions sont sorties; une première jamaïcaine en 1973, et une seconde sortie aux Etats Unis en 1975 dans laquelle il ne reste que trois singles de l’album originel, mais à laquelle ont été ajouté le hit Pressure Drop (figurant sur GTA San Andreas) sorti en 1969 et Time Tough. Un véritable délice, produit non sans talent par l’illustre Chris Blackwell.

 



THE WAILERS – CATCH A FIRE  – Island Records (1973)

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Cinquième album des Wailers, aticulés autour de Peter Tosh, Bob Marley et Bunny Linvingston, il est le premier à être sorti sur Island Records, label fondé par Chris Blackwell. Après une tournée et divers enregistrements studio en Grande Bretagne, les Wailers se voient lâchés par leur ami Johnny Nash reparti vers les USA sans leur laisser le moindre pécule. Le trio s’en va alors approcher le producteur Chris Blackwell qui accepte de leur avancer de l’argent pour retourner en Jamaïque enregistrer l’album qui deviendra Catch A Fire. La suite ? Une promenade divine de 36 minutes ponctuée de pépites comme Concrete Jungle ou Stop That Train, neuf titres à attendre le décollage finalement  avancé à l’ouverture de la face B, Stir It Up, classique devant l’éternel qui marque l’apogée de l’opus.



THE CONGOS – THE HEART OF THE CONGOS  – Island Records (1977) 

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Premier album de cette liste à avoir été conçu de main de maître par Lee « Scratch » Perry, il réunit Cedric Myton et Roy Johnson de The Congos, auquel se rajoute le baryton Watty Burnett sous le conseil avisé de Perry, désireux de compléter le duo basse-ténor du groupe. Enfermés dans le studio Black Ark, le joyau du génial producteur jamaïcain, et accompagnés par les Upsetters de Lee Scratch, nos sorciers vaudous livrent alors un résultat sensationnel avec cet opus que beaucoup d’observateurs décrivent comme l’une des plus belles harmonies jamaïcaines jamais enregistrées.

La mission de Perry au Black Ark était de ruraliser le reggae , lui retirer la nervosité urbaine de Kingston ; et avec ces chanteurs rastafari profondément spirituels, il s’est trouvé avec les personnes ayant l’accent parfait pour ses créations musicales. Du menaçant Fisherman aux envolées bibliques de Congoman en passant par l’énergie de La La Bam Bam, et après maintes écoutes de cette oeuvre (croyez moi), il n’y a RIEN à jeter de cet album. Good work Lee, for real.


PETER TOSH – LEGALIZE IT – Columbia Records (1976)

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 Après des années passées dans l’ombre de Bob Marley, Winston Hubert McIntosh aka Peter Tosh quitte les Wailers pour se lancer en solo. Son premier album, Legalize It, sorti en 1976 démontre qu’il sait parfaitement se débrouiller sans ses anciens camarades. La spiritualité rasta tient une place centrale dans cette oeuvre, notamment matérialisée par la chanson titre prônant l’utilisation modérée (ou non dans certains quartiers de Kingston) de la marijuana, et tranche avec Equal Rights, plus politique, plus engagé. Cela n’enlève rien à la qualité de l’album dans lequel Tosh ose même mixer des ballades lentes avec des beats très groovies. Un des meilleurs assurément.


MAX ROMEO – WAR INA BABYLON – Island Records (1976)

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Une oeuvre de plus à l’actif de Lee Perry avec War Ina Babylon enregistré avec son ami Max Romeo dans le Black Ark. Ce qui rend cet album prodigieux, c’est la délicatesse avec laquelle il parvient à combiner les envolées dub-groove issues de l’univers du studio, avec l’introduction du « conscious reggae » de Max Romeo marqué par les événements politiques et sociaux en Jamaïque. Chase The Devil, la chanson-titre, décrit l’humeur violente qui règne en 1972 lors de  l’élection générale en Jamaïque et Romeo raconte comment il va enfiler le costume d’un super-héros pour botter les fesses du diable (« i’m gonna put on a iron shirt, and chase the devil outta earth« ). Un des plus grands classiques du genre issu d’un opus devenu une norme de qualité dans les décennies futures. Un must have essentiel à toute collection de reggae.



THE GLADIATORS – TRENCHTOWN MIX UP – Virgin Records (1976) 

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Premier LP du célèbre trio Griffiths-Fearon-Sutherland qui compose The Gladiators, Trenchtown Mix Up constitue le premier volet d’un périple initié par les trois jamaïcains au cœur des collines de Kingston qui nous mènera jusqu’à Proverbial Reggae (1978) considéré comme l’autre oeuvre « marquante » des Gladiators. L’album contient deux pistes enregistrées en version ska au Studio One, Mix Up & Hello Caroll, remixées en version reggae, mais également deux reprises de Bob Marley, à savoir l’excellent Rude Boy Ska et le non moins mystique Soul Rebel.
Néanmoins, les compositions des Gladiators n’ont rien à envier à celle du père du reggae et ont même une étrange tendance à devenir un classique du genre aussitôt les avoir écoutées (Looks Is Deceiving, Eli Eli, Chatty Chatty Mouth). Masterpeace.

 


 

LEE SCRATCH PERRY & THE UPSETTERS – SUPER APE – Island Records (1973) 

Bon, je vous la fais pas à l’envers, j’ai bien mis deux albums dans cette section : pour la simple et bonne raison que le travail effectué par Lee Scratch Perry à travers ces deux bijoux espacés de deux années ne peut être dissocié tant la continuité du projet Super Ape initié par le génial producteur se fait sentir dans le second opus, un poil inférieur à son aîné. Lee Perry enregistre Super Ape en 76 fort de son collaboration couronnée de succès avec Max Roméo sur War Ina Babylon. Il dispose désormais de moyens conséquents pour affiner son projet de créer le son du futur au point de nous faire la promesse « Dub it up, blacker than dread« . Porté par un groove mystique et des vocals parsemées avec le finesse et la délicatesse d’un ange rasta (Black Vest, Dread Lion), l’album entre-ouvre les portes de la dub music en faisant la promesse cachée d’une suite. The Return Of The Super Ape, sans jamais atteindre les fulgurances du premier, reste un opus de référence en matière de roots-reggae et dub. On appréciera sans peine le génial Tell Me Something Good, le festif Dyon Anaswa et le sombre Psyche And Trim au cœur d’un voyage irréel dans le monde psychédélique d’un rastafarisme dont Lee Scratch Perry veut être le guide.


 

BOB MARLEY & THE WAILERS – EXODUS  – Island Records (1977)

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On se devait forcément d’inclure dans cette liste un deuxième projet de Bob Marley, mais plus avec les mêmes Wailers cette fois, tant le bonhomme aura fait en faveur de ce style. Enregistré à Londres après avoir échappé à la mort lors d’un assaut chez lui en décembre 1976, il se montre sous un ton davantage pacificateur. Malgré quelques textes politiques puissants, il adopte une position plus réfléchie que sur ses opus précédents. A vrai dire, Exodus rassemble tout ce qu’on pourrait attendre d’un album de Marley : la colère rasta (Exodus, The Heaven), les envolées poétiques (Turn Your Lights Down Low), et les succès internationaux que sont Jammin’, One Love (People Get Ready), Waiting In Vain et Three Little Birds. Un de ses albums les plus aboutis, sorti à un moment où sa santé commençait à sérieusement se détériorer, et dont il ignorait le succès que cet opus a connu par la suite.


 

Culture – Two Sevens Clash  – Island Records (1977)

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Un des chefs d’oeuvre de l’ère Roots. Trop méconnu (à mon goût), le groupe Culture est fondé en 1976 autour du trio vocal Joseph Hill le leader, Albert ‘Ralph’ Walker et Kenneth Dayes assurant les backings. Leur premier album Two Sevens Clash est majoritairement composé de singles enregistrés dans le studio de Joe Gibbs et mixé par Errol Thompson.Le titre fait référence à la prophétie de Marcus Garvey, guide spirituel des rastas,  qui prévoit un chaos le 7 juillet 1977, le jour où tous les 7 se rencontrent, annonçant la fin du monde occidental et le début d’un monde meilleur pour le peuple noir.

L’opus, bien que de nature roots simpliste, a ce quelque chose en plus par rapport à ses contemporains, une lumière divine qui protège les chanteurs et qui se fait ressentir à l’écoute de l’album. Des morceaux exquis comme I’m Alone In The Wilderness ou Calling Rasta Far I qui se dégustent sans a priori et sans faim. On regrette simplement que peu de groupes des 80’s  aient pu s’infiltrer dans la brèche ouverte par Culture.


Groundation – Hebron Gate – Young Tree Records (2002)

hebron gate cover

Pour terminer, un album sorti en 2002, histoire de prouver aux détracteurs du genre que le reggae n’est pas mort à la fin du XXe siècle. OUI, il existe encore des tas de projets de qualité qui sortent aujourd’hui, à travers une nouvelle génération de reggaddicts dont Groundation est pour moi un des fers de lance.

Le groupe mené par Harrisson Stafford sort Hebron Gate en 2002, et devient un énorme succès. Plus long que les albums reggae habituels avec une heure de plaisir, l’opus fait la part belle aux solos à commencer par Jah Jah Know où le claviériste Marcus Urani se lâche avec plaisir et sur Picture On The Wall, une des tracks fortes de Hebron Gate. L’orientation jazzy et progressive rajoute une dimension supplémentaire au projet, et comme si ce n’était pas suffisant, deux légendes du reggae Cedric Myton (The Congos) et Don Carlos (Black Uhuru) ont été conviés sur les deux derniers titres de l’album . L’album raconte l’histoire d’une guerre qui va éclater entre des dragons, avec en final, Don Carlos et Cedric Myton s’affrontant sur les deux dernières pistes. La relève, elle aussi, a du génie.

 


Ceci est une liste non-exhaustive vous l’aurez compris; du reggae-ska né au Studio One à la fin des sixties jusqu’à la direction dub et groove initiée par la suite, le nombre de projets reggae de qualité est impressionnante sur cette période. Voici d’autres pistes à explorer pour entamer la (re)découverte de ce genre. Je vous pose ça là :

  • Jackie MittooMacka Fat
  • DillingerCB200
  • Bunny WailerBlackheart man
  • The UpsettersDub Blackboard Jungle
  • Jimmy CliffThe Harder They Come
  • The SkatalitesSka Boo-Da-Ba
  • Augustus PabloKing Tubbys Meets Rockers Uptown
  • Bob Marley & The WailersUprising
  • Peter ToshEqual Rights
  • The GladiatorsProverbial Reggae
  • Burning SpearMarcus Garvey
  • FC Apatride UtdThem
  • Eek-A-MouseWa-Do-Dem
  • Gregory IsaacsNight Nurse
  • The UpsettersReturn Of Django

Rédigé par

Jean Grangeon

Pôle programmation // Smooth Vibes // Matinale // Pôle Partenariat à Vinyl On Mars