Ce 2 mai 2019, l’équipe de Dynam’hit Web Radio a eu la chance d’interviewer celui que le Reggae Vibes Magazinequalifie de « surdoué du reggae », j’ai nommé Naâman. Issu de Normandie, ce jeune artiste français de 29 ans se fait véritablement connaitre en 2012 aux côtés de Fatbabs lors du Reggae Sunska. Un an plus tard, il est élu « révélation de l’année 2013 ». S’en suit alors la sortie de son premier album Deep Rockers, Back a Yard, puis en 2015 de son second, Rays of Resistance. Après avoir parcouru le monde lors de tournées en Chine en Russie mais aussi en Australie et en Nouvelle Calédonie, il sort en 2017 son troisième album Beyond mettant l’accent sur un aspect plus éclectique de ses compositions. 

 

En ce jour, Naâman a accepté de nous livrer ses impressions quant à l’impact qu’ont pu avoir ses voyages et ses retraites, sur sa musique, mais aussi sur ses projets à venir, et notamment la sortie de son dernier album live prévu le 5 mai 2019. 

 

Interview : 

 

J’ai pu noter que les différents voyages que tu as effectués ont véritablement forgé ton identité musicale, et ont eu un impact puissant sur ta carrière. Par exemple, entre chacun de tes albums, tu es parti en voyage ou bien en tournée et suite à ceux-ci, tu as modulé et même diversifié ton registre musical. Pourquoi alors avoir choisi ces pays en particulier ? Qu’est ce qui t’as donné envie de t’y rendre ?

 

« Alors, le choix des pays c’est assez freestyle, c’est des réactions à des envies, des trucs que j’ai pu voir. Le Liban, c’est parce que j’avais un pote qui m’en parlai de très bonne manière, du coup on est parti ensemble. J’avais besoin de me faire violence à ce moment-là de ma vie, c’est un choix un peu particulier. Le Népal, c’était l’envie de voir l’Himalaya. Finalement le choix des pays est assez aléatoire, sauf pour la Jamaïque car forcément il y a un lien très fort au reggae ».

 

 

Concernant tes tournées, le choix de pays comme la Russie ou la Chine m’a un peu interpellé, est-ce que tu as réussi en quelque sorte à conquérir un public là-bas selon toi ?

 

« En fait, si on est allés là-bas, c’est parce qu’on a reçu des demandes. Il se trouve qu’en Russie, il y a une scène reggae qui est assez active et c’est un collectif qui m’a invité à aller jouer là-bas. Ce qui s’est passé en Chine c’est différent. Une française a uploadé Skanking Shoes sur le YouTube Chinois et ça a fait pas mal de vus et du coup elle s’est dit allé on va aller plus loin on va essayer de les faire venir pour un festival. Alors le Reggae est très naissant en Chine mais le public est super sympa et ils ont vraiment adhéré. C’est vrai aussi qu’on fait une musique qui va au-delà du reggae et du coup je pense que c’est plus accessible également. C’est plutôt les cultures qui sont à des kilomètres de la nôtre, mais en termes de musique, une fois qu’on est sur scène ça se passe toujours bien ». 

 

 

Justement je voulais revenir sur les sonorités de ton 2nd album qui ne sont pas uniquement reggae mais également soul et latines. D’où viennent-elles ?

 

« En ce qui concerne la musique, une grande partie de la composition vient de Fatbabs (qui est mon DJ). Il m’envoie d’abord le beat, le brouillon de la musique et après c’est à nous de lui donner un sens ou un autre. On ne se pose pas vraiment la question de quel style on cherche ou quoi. On va plutôt là où on se sent bien, là où la musique nous parle. Après Fatbabs a énormément d’influences et écoute beaucoup de choses différentes. Après les influences de mes voyages se trouvent au-delà de l’instrument, de la rythmique. C’est plus ce qu’il y a au fond de la musique qui va être inspiré de mes voyages ».

 

 

En parlant de Fatbabs qu’en est-il de vos relations actuelles ? Travailles-tu exclusivement avec lui ?

 

« On travaille ensemble depuis pas mal d’années maintenant. On est super potes avant tout. Je suis très content du travail qu’on fait ensemble. Après c’est vrai que ça ne m’empêche pas d’aller travailler avec d’autres beat maker. Mais après quand il n’est pas à la composition il est parfois à l’arrangement. Mais par exemple je suis en train de composer des trucs en ce moment et je me dis que tel ou tel beat maker serait plus adapté. J’essaie un peu de casser ce schéma là pour développer la musique et encore une fois enlever des barrières ».

 

 

Je voudrais aussi revenir sur ta voix qui est hyper singulière pour un Normand, et je souhaiterai savoir si tu l’as travaillé pour qu’elle rende d’une certaine façon par exemple ?

 

« Quand j’ai commencé à faire de la musique, c’était dans les Sound System donc il n’y avait pas trop de techniques à avoir, il fallait chanter fort. Donc ma première relation avec le micro c’est ça. C’est un peu à l’arrache. Mais en fait il s’est passé environ 2 ans entre le moment où j’ai commencé à chanter en live et le moment où j’ai trouvé ma voix. Le vrai travail c’est surtout d’enlever tout ce qui n’est pas naturel, tout ce qui n’est pas doux. Alors forcément les années de concert ça change la voix, ça lui donne plus d’enracinement, mais encore une fois ce n’est pas une recherche de quoique ce soit ». 

 

 

Le Reggae Vibes Magazine te surnomme le « surdoué du reggae ». Qu’en penses-tu ?

 

(Rires) « C’est très flatteur, je ne sais pas si c’est vrai aussi, mais quand j’ai commencé à faire de la musique tout le monde n’était pas unanime donc si j’avais été surdoué on l’aurait su. Je n’ai jamais pris de cours. Après ça fait plaisir à entendre et surtout d’avoir une reconnaissance dans le milieu du reggae. Je ne me qualifierais donc pas de surdoué du reggae parce que je ne sais pas faire un accord de guitare mais par contre c’est vrai qu’il y a un truc en plus qui fait que les gens m’apprécient. Le charisme ? Je ne saurais pas trop dire ».

 

 

Concernant ta passion pour la musique et plus précisément pour le reggae, peux-tu m’expliquer d’où ça t’ais venu ?

 

« La passion pour la musique vient de mon père, il passait des journées à jouer de la guitare chez moi, à composer des musiques aussi avec ma mère. Donc ça m’a mis dans le bain très jeune, j’avais la musique à la maison. Après pour ce qui est du reggae, c’est un véritable coup de foudre. Ça m’est venu à l’adolescence. Je sentais une véritable rébellion contre tout ce qui est statique, mort. Je n’étais pas très heureux à l’école et à côté j’avais le reggae qui me rendait super heureux et libre parce que je voyais que c’était immense. Et musicalement, y a un truc mystique dans le reggae qui m’a tout de suite parlé. Bien qu’on m’ait dit étant jeune que ce n’était pas une musique pour moi, car trop loin de ma culture, au final tu vois, j’ai réussi à m’en inspirer grandement ». 

 

 

Justement, ton 3ème album Beyond est placé sous le signe de l’éclectisme. Est-ce que c’est pour sortir véritablement de cette attache reggae ou est-ce que c’est simplement pour donner une nouvelle dimension à ton album ?

 

« Je pense qu’on a beaucoup de mal à faire la même musique deux fois. On est arrivé avec un premier album reggae/ hiphop, un deuxième avec des morceaux hiphop, des morceaux on ne sait pas trop et des morceaux très reggae, celui-là on est allé vers autre chose, on a essayé de faire un truc plus large. Donc il y a une vraie intension de sortir de cette attache reggae sur ce 3ème album ». 

 

 

Ça me fait penser aux feats que t’as pu faire avec le groupe Jahneration sur des titres comme Me Nah Fed Up ou Control Your Tempa, qui sont plus rock/ hiphop que reggae. Est-ce que tu continues à travailler avec eux, à monter sur scène avec eux ?

 

« Alors oui tout à fait, on continue à travailler ensemble. On est super potes. En tout on a 3 featuring ensemble, c’est avec eux que j’en ai le plus, donc j’essaie de me diversifier aussi. Mais c’est génial car ils ont une marge de progression incroyable. A chaque fois qu’ils sortent un truc nouveau j’hallucine sur leur technique. Mais en tout cas c’est toujours un kiff de travailler avec eux. J’essaie de monter sur scène le plus souvent possible avec eux, mais après c’est difficile de s’accorder sur les dates car on est tous artistes et venir en tant qu’invité suppose que nos dates ne se chevauchent pas ce qui est pas forcément évident. Mais on essaie de faire au mieux surtout pour les dates importantes, d’autant plus que nos équipes sont très proches ».

 

 

Je voudrais aussi en venir à ton dernier album, qui est un album live retraçant, j’ai l’impression, ton parcours sur les scènes françaises et européennes avec pas moins de 16 titres. Est-ce que tu peux m’expliquer pourquoi tu as choisi de faire cet album ?

 

« Parce qu’on a fait beaucoup de concerts, et que ma dernière tournée est pour moi l’apogée de ce que l’on a pu faire musicalement parlant en termes techniques. On a donc enregistré en multipistes tous les concerts de la tournée, c’est-à-dire à peu près 80 concerts. Donc on avait tout ça et on s’est dit allé on se lance dans un album live. Mais surtout l’idée est qu’en live, il y a une énergie, un truc qui se passe entre le public et nous, c’est magique et donc c’est énorme de pouvoir mettre ça sur un album. La dimension live, c’est la vraie dimension ».

 

 

 

Concernant le futur, est ce que tu as des projets en cours ? Des featurings prévus avec d’autres artistes ? Je sais que tu es actuellement en Inde, est-ce en lien avec d’éventuels projets ?

 

« Alors actuellement je viens de finir un projet avec Dub Silence qui ont de sorti leur premier album, il y a d’ailleurs un morceau très sympa. Après j’ai d’autres potos qui m’ont demandé des trucs donc j’essaie de les faire mais… je ne vais pas t’en parler tout de suite, je garde le mystère. Pour l’Inde, il se trouve que j’habite la moitié de l’année là-bas donc là je visite la jungle humide c’est tout, rien à voir avec mes projets musicaux ».

 

 

Dernière petite question de derrière les fagots, j’ai vu que tu soutenais la filière légale de production de cannabis, est ce que tu peux m’en parler rapidement ?

 

(Rires) « On m’a demandé de soutenir cette filière et j’ai accepté car c’est une plante absolument magique qui permet de guérir et de soulager des gens atteints de maladies graves. On galère en France parce que le gouvernement refuse de légaliser ça. Donc il y a pleins de gens qui travaillent dans l’ombre afin de développer des trucs qui sont sains pour les gens et qui permettent de soigner énormément de choses. Et ça c’est un gros problème. Après je ne veux pas faire la promotion du cannabis. Ça fait bien longtemps que je n’ai pas fait de morceaux parlant de fumer des joins. Mais le cannabis en lui-même est une plante qui doit être absolument étudiée et légalisée afin d’être mis à disposition des gens qui en ont vraiment besoin ».