Un quart de siècle et la Route du Rock ne semble avoir pris aucune ride. Encore une fois le festival malouin nous aura marqué par ses prestations surevoltées, sa bonne ambiance et une organisation de passionnées au petit soin pour ses festivaliers. On vous raconte ces 3 jours qui auront vu un certain retour de l’indie rock sur le devant de la scène.


LE VENDREDI 

C’est sous une pluie battante, armés de nos panchos et de nos plus belles paires de bottes que l’on arrive enfin à la mecque des festivals de musiques indé en France.


On s’installe donc, non sans mal, au camping après avoir lutté contre cette boue et cette pluie infernale. Après quelques petites bières bien méritées nous sommes partis sur le site du festival pour ne pas louper le maître, Thurston Moore, qui jouait sur la scène du Fort. Accompagné de son groupe (avec une certaine Debbie Googe à la basse…) l’ex leader de feu Sonic Youth nous a livré un set indie rock magistral, des mélodies aériennes aux déflagrations sonores, chacun maîtrisant sont instrument à la perfection (mention spéciale pour le guitariste James Sedwards), pour finir sur un long chaos sonore à base de larsens, où Thurston Moore collait sa fameuse Jazzmaster sur un ampli ou encore sur un micro de captation. Brillant.

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Le temps de siroter une petite bière, nous voilà de retour devant la scène du Fort pour ce qui est pour nous la grosse claque de ce vendredi : Fuzz. La bande emmenée par le fameux Ty Segall, qui ici laisse de côté sa six cordes pour la batterie, accompagné de ses potes Charlie Moothart et Chad Ubovich respectivement à la guitare et à la basse, maquillés comme si les gars de Kiss s’étaient fourni en maquillage à la Foir’Fouille. Leur set commence sur Rat Race, un de leur dernier morceaux à paraître sur leur prochain LP. Le ton est donné : ça tabasse méchamment. Techniquement irréprochables, Ty Segall tape sur sa batterie comme un dingue, les solis de guitare et de basse s’enchaînent, la bande nous livre ici un rock extrêmement burné,  non sans nous faire rappeler certains groupes mythiques des 70’s comme Blue Cheer ou encore Black Sabbath. Et dans le crowd cela se fait sentir, ça pogotte sévère ! On a l’impression d’être transporté en plein Hellfest, sous la fameuse Valley.

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Après cet ouragan sonique, nous nous sommes posés une petite heure, afin de reprendre des forces (loupant le set d’Algiers) pour enchaîner sur Timber Timbre. Le folk-rock mélancolique des canadiens Taylor Kirk, Simon Trottier et Mika Posen se révèle être particulièrement envoûtant, avec un son un peu plus pêchu en live , tout en gardant un jeu d’ une finesse déconcertante. Nous prenons maintenant la direction de la scène des Remparts pour se prendre un uppercut du droit en plein dans la tronche. Les irlandais de Girl Band nous ont tout simplement ravagés les tympans avec leur post-punk ultra bruitiste. Des basses/guitares dissonantes au possible,  un batteur qui tabasse ses fûts comme un forcené et un chanteur fou furieux qui tangue au milieu de ce chaos. C’est tout simplement jouissif. Dans la foule ça se bastonne et ça en redemande. Maintenant c’est sur la scène du Fort que ça se passe, avec la tête d’affiche de ce vendredi, le duo Ratatat. Malheureusement, les new-yorkais Mike Stroud et Evan Mast nous ont laissés indifférents, les tubes Loud Pipes, Wild Cat ou encore le fameux Cream on Chrome, paru sur leur dernier album, s’enchaînent rapidement et sans grande passion. Prit par une grande fatigue après cette excellente première journée bien chargée, nous prenons le chemin du camping (désolé Rone…) afin d’affronter pleinement la journée du samedi qui s’annonce monstrueuse.

 

LE SAMEDI

Si l’on pouvait être resté sur notre faim après ce premier jour au fort de Saint Père, le samedi aura plus que rassasié notre appétit d’amateur de musiques indés. Après avoir sifflé quelques bières au camping et au village du festival (mention à Julien Tiné qui nous a émerveillé de ses playlists bien senties tout au long de ces 3 jours), on se prépare et on retourne sur le site du festival pour y voir le premier concert, celui du jeune londonien Only Real.  Sa pop lo-fi emprunté des 90’s et qui n’est pas sans rappeler un certain Mac Demarco fait mouche et arrive à point nommé en ce début de soirée où le soleil semble avoir annihilé toutes traces de pluie à venir. Les scandinaves de Kiasmos et leur techno ambiant jouaient par la suite et cela ne faisait que confirmer le retour du beau temps.

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On zappait Hinds, deux interviews (The Soft Moon et Spectres) étant prévus mais on se préparait à recevoir la première claque sonore de soirée.  A la tombée  de la nuit Luis Vasquez alias The Soft Moon qui avait déjà fait résonné sa cold-wave dans l’enceinte du Fort de Saint Père en 2012, arrivait. Fort de l’introspectif mais excellent Deeper, troisième oeuvre au compteur, le californien avait à coeur de nous rappeler les meilleurs heures du post-punk et de la cold-wave des 80’s. Ainsi pendant 1h15, le trio tabasse d’un son oppressant mais si prenant. Le frontman semble plus à l’aise et libéré que jamais et cela se sent tant leurs sonorités hypnotiques sont incarnées.

Spectres

Check pour cette première claque de la soirée et nous nous dirigeons naturellement sur la petite scène située juste en face pour accueillir Spectres. L’ambiance noire et crispée est toujours de mise avec le quatuor de Bristol qui joue fort, très fort, à coût de jazzmaster et jaguars saturées. Les mecs sont clairement heureux de jouer devant autant de monde et ce pour ce baptême de feu ils le communiquent pas tant verbalement mais à coup de morceaux assenés de larsens, qui nous rappellent A Place To Bury Strangers et Sonic Youth. Parfait, puisqu’ils s’en revendiquent ! Une petite pensée tout demême pour les spectateurs à l’origine venu pour Bjork, qui ont assisté et n’ont pas du trop comprendre ce qui leur arrivait devant tant de déflagrations sonores délivrées par les jeunes britanniques.

Allez rebelotte pour la grande scène avec ce qui devait être le “clou de la soirée”, FOALS. Remplaçants gold de l’ultrasensible islandaise, on s’attendait aux prestations éffrénées auxquelles on avait été habitué.  Mais non, le groupe britannique manque cruellement de spontanéité et assène ses grands titres au public qui semble malgré tout satisfait. C’est le protégé d’Erol Alkan, Daniel Avery qui poursuit les hostilités avec une techno sous acide de très bonne facture mais trop monotone et surement trop agressive pour le public qui ne semble pas vraiment conquis. L’atmosphère ne semble pas coller au festival et le dj peu taillée pour le fort de Saint-Père. On ne lui en voudra pas, la soirée ayant déjà tenue toutes ses promesses.

LE DIMANCHE

Sacré programme encore une fois ce dimanche entre la folk flamboyante de Father John Misty, les cathédrales sonores de Ride, et les sets de folies improvisés par Dan Deacon et sa bande.

On commence cette journée en faisant malheureusement l’impasse sur le live de The Districts qui auront aux dires livré fort belle prestation pour la conférence de presse de Ride où Andy Bell et Steve Queralt s’attèlent à expliquer le mouvement shoegaze et ses évolutions plus contemporaines aux journalistes moins érudits du sujet. Retour au devant des scènes avec l’ex-batteur de Fleet Foxes reconverti crooner, le bien nommé Father John Misty. L’américain impressionne par son sens de la prestation scénique : déhanchements à la Morisson, jet de guitare, cabrioles en tout genre, et cela sans jamais oublié le coeur du sujet, une folk dotée d’un humour des plus cyniques et des ballades romantiques à tomber par terre.

2346360_origDans un tout autre genre Viet Cong nous aura également fait sourire. Le leader aime raconter des conneries et se regarder dans le grand écran lui faisant face dit-il. Il aime aussi rendre les morceaux de leur EP Cassette et dernier album éponyme déstructurées et criardes a ce qu’on a pu comprendre. Tout le catalogue des canadiens y passe pour notre plus grand plaisir. La bande de toronto s’apparentant à une bande d’autistes quand ils sortent le dernier morceau du set, Death. Pendant plus de 10 minutes , le quatuor joue sur la frustration du public et leur puissance noise pour in fine nous laisser sans voix. Un autre aller-retour vers la buvette et nous voila reparti pour Savages autre brulôt post-punk de la soirée. Le quatuor féminin de Londres impressionne, Jenny Beth, leader charismatique, fascine tant elle incarne les morceaux, elle qui était déjà venue au festival une dizaine d’années plus tôt. Bien plus carrée et moins foutraque que leurs collègues canadiens, Savages met tout le monde d’accord et s’apparente comme la vrai surprise du festival malouin.

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Petite pause avant le grand concert de cette soirée de clotûre. Une bonne partie du public par se rassasier et pour nous comme les amateurs du genre étant restés devant, le gouffre intergénérationnel se fait sentir. La moyenne d’âge le samedi soir qui devait toucher la vingtaine gagne 20 ans. Une bonne partie de la foule étant venu voir ou revoir un des groupes ayant marqué leur jeunesse. La bande d’Oxford arrive sobrement sur scène, la boucle éléctronique se lance et Leave Them All Behind est aboré pour débuter le set comme d’habitude. Parfait pour se mettre dans l’ambiance, le groupe nous livrera ses plus grands titres en passant par la puissance sonique de Drive Blind, le punch de Seagull, la nostalgie assumée de Vapour Trail ou bien encore Dreams Burn Down. Ca ne respire pas autant la camaraderie que Slowdive mais l’esprit shoegaze est là. Le duo basse-batterie est déconcertant de facilité tandis que le tandem guitares-chant assuré par Bell et Gardener colle plus que jamais. On ne s’attendait bien évidemment pas à pogoter comme lors de leurs concerts des débuts nineties mais la performance est véritable et le plaisir attendu bien présent.

Dan Deacon faisait son retour au fort Saint Père avec forcement beaucoup d’attentes. En 2011, il avait déjà illuminé le festival avec un live joué depuis la fosse, au milieu du public. On se rappelle qu’il avait était difficile pour la sécurité de maintenir la foule tant l’ambiance était folle au cœur du volcan. Cette fois c’est accompagné d’un batteur que le génie fou de Baltimore nous propose a nouveau un live déjanté ou il mêle les titres de ses trois derniers albums (Bromst, 2009America, 2012 & Gliss Riffer, 2015). Deacon est un show man, comme on peut le voir dans les nombreuses vidéos live sur le web mais la présence du batteur était une grosse surprise. L’interaction avec le public est quant à elle toujours très présente, même si les jeux proposés par Dan ne duraient que quelques secondes…(en même temps, dimanche soir on arête de faire des efforts). A la hauteur de nos espérances même si l’effet de découverte et l’énergie qui nous avait fait adoré ce génie de “électro-rock futuriste” il y a 3 ans étaient du déjà-vu.

Merci à aux organisateurs et aux bénévoles et on se retrouve l’année prochaine pour la 26e édition estivale.

Rédigé par

Corentin Le Denmat

Responsable pôle partenariats // Pôle programmation à Vinyl On Mars // Référent de la Matinale / Co-référent de la Rock Pulse