Manu Dibango

Le 18 mars, un communiqué publié sur sa page Facebook annonçait son hospitalisation, à la suite d’une infection par le coronavirus. Nous avons appris hier son décès à Paris, fauché par ce satané virus.

Manu Dibango était un génie de la musique Jazz et des relations humaines. Par cet article nous tentons de lui rendre un dernier hommage..

« Papa Manu » ou encore « Papagroove » comme certains le surnomme affectueusement, est un saxophoniste et chanteur camerounais né en 1933 à Douala.

Né de parents protestants , c’est en entrant dans la chorale du temple de son village dirigée par sa mère qu’il est initié au chant. Douala étant une ville portuaire, il a la chance de pouvoir entendre des disques du monde entier, amenés par des marins.

Une fois son certificat d’étude en poche, ses parents l’envoient en France en 1949 et plus particulièrement à Marseille pour poursuivre ses études. Il raconte dans son autobiographie qu’il arrive à l’époque avec seulement 3 kilos de café (denrée très chère à l’époque) afin de payer ses premiers mois de pension dans une famille d’accueil.

Lors d’un séjour en colonie de vacances pour expatriés Camerounais, il découvre le Saxophone et tombe amoureux de cet instrument qui le suivra toute sa vie.

Préparant un bac de philosophie, et après une initiation par l’un de ses amis Francis Bebey, il commence à se produire dans les fanfares, clubs privés et cabarets. Différents contrats l’emmènent en Belgique, où il rencontre une grande diaspora Congolaise. Sa musique évolue devenant plus proche des sonorités de son Afrique natale. Il dira plus tard avec humour et reconnaissance : « Francis était mon héros, évidemment, j’étais amoureux de lui. Il jouait très bien de la guitare et il m’a appris beaucoup de choses. Moi, alors, j’avais une mandoline, qui était l’instrument le moins cher possible. Il m’a initié au jazz… et plus tard a épousé ma cousine ! »

Sa carrière décolle en 1967 lorsqu’il est invité à se produire dans une émission de télévision nommée « Pulsations » où il a la chance de rencontrer Nino Ferrer et Dick Rivers, vedettes de l’époque.

Il est engagé d’abord par Dick Rivers qui lui fait jouer de l’orgue durant 6 mois, puis par Nino Ferrer qui finira par lui donner la direction de son orchestre.

En 1969, il sort son premier album à succès « Saxy Party » chez Mercury recueillant de nombreux morceaux Afro-Jazz.

En 1972, sa carrière prend un autre tournant lorsqu’il propose à la Fédération Camerounaise de Football de composer une musique de soutien aux joueurs pour la Coupe d’Afrique des Nations de cette même année qui se joue au Cameroun.

Il compose « Soul Makossa » qui devient un succès en Afrique mais aussi dans le monde entier. Les Américains par exemple s’arrachent son vinyle, édité à quelques exemplaires outre-Atlantique.

Archives de L’INA.fr

« Papa Manu » est très connu pour avoir inspiré des grands noms de la musique. Sa musique Soul Makossa servira d’inspirations à de nombreux titres comme Wanna Be Startin’ Somethin’ de Michael Jackson dont les sonorités sont très proche ou encore Don’t Stop the Music de Rihanna. D’autres artistes actuels comme Beyonce ou Jennifer Lopez ont aussi tiré inspiration de cette musique.

Au-delà d’être un musicien hors-pair, sa bonne humeur, son rire facile et son sens de l’humain restent ses principales caractéristiques. Souvent invité aux mariages de célébrités ( Yannick Noah, Josiane Balasko ou encore Jamel Debbouze), il n’hésitait jamais à sortir son saxophone pour chanter son hymne à l’amour.

En octobre dernier et à 85 ans, il était encore présent sur la scène du grand Rex de Paris pour un concert qui se voulait être une invitation au voyage entre son Cameroun natal et l’Europe de la musique classique en passant « par le son de la forêt équatoriale et le souffle du vent du désert ».

Lui, qui s’efforçait de combattre les préjugés sur la musique Africaine, n’a jamais cessé de rendre hommage à son Cameroun pays de naissance, mais aussi à la France et à la Belgique pays d’adoption.

L’an passé, à un journaliste de RFI qui lui posait la question du destin et de savoir ce qu’il aimerait qu’on dise de lui quand il partirait « jouer ailleurs », il répondait toujours avec un large sourire :

« Moi je suis un homme libre, chacun a le droit de dire ce qu’il a envie de dire. Il restera le destin. Très tard je me suis rendu compte que j’en avais un, parce que c’est un mot qui frôle la prétention. Je peux le dire aujourd’hui, parce que c’est fait, j’ai franchi la barre, comme on dit chez nous : « tu manges la part du bon Dieu ». Je suis en train de manger copieusement d’ailleurs la part du bon dieu ».

Certains journaux titrent que l’Afrique vient de perdre l’un de ses principaux ambassadeurs, nous à Dynam’hit pensons que c’est l’humanité toute entière qui vient de perdre l’un de ses plus fidèles représentant.

Adieu l’artiste, chapeau pour cette carrière et pour la diffusion de tes valeurs profondément humaines. Nous t’en sommes infiniment reconnaissants.

Lucas.