L’équipe de Dynam’hit s’est rendue à l’Alcatraz, le vendredi 26 Septembre, pour assister aux sessions pro, conférences autour des thèmes de l’entreprenariat culturel, organisé par Marsatac en amont du festival à proprement parler. On vous résume la session du matin.

 

La place de l’artiste de demain – Projections et Controverses

Un débat « prospectif » inspiré du livre de Gilles Castagnac Artiste 2020.

Intervenants :

Pierre Sauvageot – Lieux Publics
Alain Charriras – Adami
Frédéric Nevchehirlian – Musicien
Raphaël Sage – Seconde Nature
Daniel Kaplan – FING

 

L’idée de ce débat est  de réfléchir à l’avenir pour savoir ce que l’on peut entreprendre dès maintenant et envisager ce qu’est l’artiste au delà de son statut, en intégrant les dimensions du processus de création ou le public par exemple. Pour se faire, Daniel Kaplan demande dans un premier temps à chacun de faire un état des lieux de la création artistique en général afin d’y repérer les tendances qui s’y dessinent. Ainsi il espère aussi révéler les tensions qui existent entre l’artiste et les institutions et trouver des pistes pour les apaiser.

Pour Alain Charriras qui ouvre la discussion, le véritable partenaire de l’artiste est son public. Aujourd’hui se dessine une nouvelle tendance qu’il appelle « l’âge de l’accès » et qui bouleverse le rapport entre ces deux entités. En effet, il n’est plus nécessaire de posséder pour accéder à la culture, elle est à portée de main notamment grâce aux nouvelles technologies. La question maintenant est plutôt de savoir comment gérer cette surabondance d’informations et surtout par quels moyens éviter une saturation. Selon lui, la clef de la diffusion résiderait peut-être dans la conservation de plages de quiétude, de silence, pour que l’information ait plus d’impact lorsqu’elle sort.

D’autre part, il observe un changement au niveau du processus de production des artistes. En effet, grâce à la technologie et justement à la démocratisation de ces savoir-faire, l’artiste peut désormais s’autoproduire. Pourtant le système légal ne le permet pas, il réside donc ici un premier paradoxe. La non-évolution du droit face à ces nouvelles pratiques constitue un frein et réduit ainsi les perspectives. La dépendance artiste-producteur persiste alors qu’elle n’a plus vraiement lieu d’être.

Une dernière tendance enfin, qui est liée elle aussi à l’évolution technologique, celle du mash-up que Mr. Charriras considère comme un processus de création « à ciel-ouvert », dont les possibilités sont infinies.

Frédéric Nevchehirlian continue ensuite sur le paradoxe création-système légal : la création demande une certaine solitude alors que l’artiste est obligé de s’entourer de multiples acteurs pour développer et faire exister son oeuvre. Par ailleurs, les producteurs cherchent la plupart du temps à faire évoluer les artistes dans des cadres prédéfinis. Il rejoint donc Alain Charriras sur l’ambiguïté du système et les limites qu’il impose à la conception.

Il souligne également les grandes tensions dues au système de répartition de l’argent. En effet, un artiste n’est pas titulaire de ses droits et ne peut choisir comment les gérer, il doit faire forcément appel à un tiers.

Pierre Sauvageot revient quant à lui sur la création du grand sentier artistique de randonnée GR2013 (dans le cadre de MP2013) et les questions qu’il soulève. C’est un ovni artistique et culturel, mais est-il une réussite ou un échec ? Est-ce vraiment une oeuvre ? On peut dire en tout cas que cet objet artistique a un rôle dans la société, et c’est peut-être une nouvelle tendance: des créations artistiques qui ont une utilité dans la vie sociale.

Pour Raphaël Sage, la culture est devenue vraiment plus accessible et le potentiel d’existence de l’artiste a considérablement augmenté grâce aux nouvelles technologies – « On est dans un véritable magma qu’il faut laisser monter » – la difficulté est de s’en servir pour construire la société de demain tout en conservant une certaine exigence de qualité.

Un autre phénomène,  celui de l’audiovisuel avec YouTube notamment est abordé. Les « artistes » pullulent sur le web et les réseaux sociaux et produisent tous les jours pour exister. Ils créent de véritables communautés et influent même sur d’autres secteurs (comme la mode). La question est de savoir si c’est à eux de gérer leur propre image ou à un community manager. Selon Frédéric Nevchehirlian, l’artiste est le plus à même à gérer sa communication, et là encore l’idée de la nécessité d’avoir un entourage (label, producteur…) en tant qu’artiste intervient.

Alain Charriras rapproche la culture du sport avec ces deux pendants antagonistes: d’un côté on a la recherche constante de performances, la compétition et de l’autre le partage, la passion. La culture ne doit pas devenir un moyen de rentrer en compétition mais doit donner lieu au partage, à l’écoute..

Finalement trois tendances-tensions se dégage:

– le virtuel face au réel  (cinéma vs théatre)
– le fait de ressentir seul l’art alors que l’on est ensemble (festivals…)
– l’amateurisme face au professionnalisme: les nouvelles technologies et l’âge de l’accès induisent une redéfinition des termes vu que la création artistique est accessible à tous.

Pour conclure le débat, Daniel Kaplan interroge les intervenant sur les perspectives de la place de l’artiste. Alain Charriras penche vers un système de distribution des revenus plus solidaire. Raphaël Sage est certain de l’augmentation du nombre d’artistes mais pas d’évolution de la situation. Frédéric Nevchehirlian n’a pas de certitude quant à l’avenir, il conseille seulement de vivre pleinement au jour le jour.

Rédigé par

Charlotte Boudon

Secrétaire Générale // Rédactrice en chef // Co-Référente Smooth Vibes