« If skills sold, truth be told, I’d probably be lyrically, Talib Kweli ».

Cette punchline de Jay-Z sur Moment of Clarity issue de The Black Album (2003) résume encore bien, 10 ans après, la situation de Talib Kweli. A l’époque Talib avait tout juste sorti son tout 1er album solo Quality (2002), faisant suite à Black Star (avec son acolyte Mos Def aka Yasiin Bey) en 1998 et Train of Thought (avec le producteur et fréquent collaborateur Hi-Tek) en 2000.

Sans surprise, ce ne sont donc pas les lyrics qui font vendre dans le rap et c’est pourtant ce qui caractérise le rappeur de Reflection Eternal. Ce dernier a su garder son côté underground et ses lyrics sont restés un modèle dans le domaine, sans oublier son amour pour le genre, qui lui aussi est resté intact : « I love music, I’m completing my devotion » (« Turnt Up »).

Sur Prisoner of conscious (sorti le 7 Mai) on s’attend, comme son titre le sous-entend, à une introspection de Talib Kweli et ainsi un niveau de lyrics toujours inégalé. Côté featuring pas de grosse surprise et du beau monde : des pointures du rap avec des lyricistes de niveau (Busta Rhymes, Curren$y, Kendrick Lamar et…Nelly !?) mais aussi des chanteurs R’n’B très prisés (Marsha Ambrosius, Miguel, Melanie Fiona).

Côté production on retrouve Oh No, S1 et E. Jones (suite logique de Gutter Rainbows jusque là) avec également RZA (que l’on voit partout en ce moment : sur l’album de James Blake, Kid Cudi entre autres), J. Cole & Harry Fraud qui collent bien au style de Talib. Avec tout ça on pourrait s’attendre à une vraie bombe et pourtant…


Départ tranquille sur une instru de Oh No avec « Human Mic » où Talib commence d’ores et déjà à s’envoyer des fleurs. Il réitère plus tard sur l’efficace « Rocket Ships » (featuring Busta & produite par RZA) où il se place clairement hors compétition : « God’s favorite, I’m sick as a doctor’s patient/We live in a cold world, my job is to rock nations ». L’ego lui monterait-il à la tête ? Son manque de modestie ne colle pas à l’image humble et underground qu’il renvoie, c’est dommage.

Sur « Come Here » on retrouve le petit air de « Hot Thing » (Eardrum, 2007), pas désagréable, et nous voilà déjà à la moitié de l’exploration de sa conscience. Arrive à ce moment « Push Thru » avec Curren$y et Kendrick et on est un peu déçu malgré cette combinaison de luxe (et une instru de S1), qui n’en reste pas moins…lassante.

Symbolic One (derrière l’instru de « Power » de Kanye) se rattrape sur « Delicate Flowers », point fort de l’album où on s’immisce dans l’univers de Talib. Un autre morceau efficace est « Hamster Wheel » en solo : du Talib auquel on commence à s’habituer et qui prouve la bonne combinaison du lyriciste avec le producteur Oh No.

Sur une instru très mélodique de Terrace Martin (souvent collaborateur de Snoop Dogg et producteur de « Real » de Kendrick) on se laisse encore une fois emporter : « Favela Love ». « Upper echelon » nous ramène à la réalité du rappeur avec un flow ciselé et une production plus sombre où on aurait très bien pu entendre Jim jones. Il nous montre encore une fois ses qualités de rimeurs hors norme.

On finit cette chronique sur la « bonne » surprise de l’album : « High Life » joyeux et très musicale (instru encore une fois réalisée par Oh No!) où Talib & Rubix se passent le mic : funky !

C’est loin d’être un des meilleurs travaux de Kweli mais ce Cinquième album solo reflète bien le personnage et est à la hauteur de ses ambitions. Pas de réelle déception donc, si ce n’est un manque d’originalité (pas de véritable « Upper Echelon ») ainsi que peu de morceaux qui se détachent véritablement. Les productions sont au rendez-vous et les lyrics de Talib aussi mais c’est bien tout.

Instrumentales: 3,5/5

Lyrics/flow : 4/5
Originalité 1,5/5

Note album : 3/5

Tracklist :

1. Intro (prod. by Oh No)
2. Human Mic (prod. by Oh No)
3. Turnt Up (prod. by Trend)
4. Come Here ft. Miguel (prod. by Sean C. & LV)
5. High Life ft. Rubix & Bajah (prod. by Oh No)
6. Ready Set Go ft. Melanie Fiona (prod. by Saadiq Bolden)
7. Hold It Now (prod. by Oh No)
8. Push Thru ft. Curren$y, Kendrick Lamar & Glen “Grey” Reynolds (prod. by S1)
9. Hamster Wheel (prod. by Oh No & G Koop)
10. Delicate Flowers (prod. by S1 & Caleb McCampbell)
11. Rocketships ft. Busta Rhymes (prod. by RZA)
12. Before He Walked ft. Nelly & Abby Dobson (prod. by E. Jones)
13. Upper Echelon (prod. by Harry Fraud)
14. Favela Love ft. Seu Jorge (prod. by Terrace Martin)
15. Only Gets Better ft. Marsha Ambrosius (prod. by J. Cole)

Rédigé par

Edouard Brossier

Former Vinyl On Mars member