Dans un peu plus d’une semaine ( 24 novembre ) 0.9 fêtera ses 10 ans, l’occasion pour nous de revenir sur cet album qui demeure encore aujourd’hui comme une véritable zone d’ombre de la discographie de Booba. Un opus décrié mais qui marque une véritable transition dans la carrière du Duc et de manière générale dans le rap français.

Le rap en 2008

L’album est à replacer dans son contexte, à cette époque l’industrie de la musique connaît une crise importante, la crise du disque. Les ventes sont touchées par les téléchargements pirates, Emule et Limewire faisaient office de plateforme de téléchargement illégale ( je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître ). Les sonorités Dirty south régnaient sur le rap ( oui il existait quelque chose avant la trap) avec comme tête d’affiche Young Jeezy, T.I, Lil Wayne
À cette même période Sinik et Salif connaissaient un succès critique et commerciale avec leurs projets Le toit du monde et Prolongations. En 2008, son grand rival Rohff dévoilait un de ses meilleurs projets Le code de l’horreur, avec un des plus gros démarrage de l’histoire du rap, 58.400 ventes en première semaine, un score ayant pu avoir une plus grande résonance, sachant que B2O souhaitait sortir en même temps que son rival, à l’image de Kanye West et 50 cent aux États-Unis la même année.
D’un point de vue personnel Booba sort d’un véritable succès avec un des ses projets les plus aboutis Ouest Side, qui lui a permis de monter sur la scène de la Star Academy en 2005, dès lors Kopp est devenu un rappeur grand public. C’est sur ce nouveau statut que Booba a voulu surfer avec son album 0.9.

Des prises de risques

Un artiste se remet sans cesse en question d’un projet à l’autre, il doit se renouveler pour ne pas être redondant dans ses propos et sonorités. Ce renouvellement se caractérise par des prises de risques. Sur 0.9, Booba introduit le vocoder dans le rap français, encore utilisé qu’avec parcimonie, il y a là, une volonté d’apporter de la mélodie entre les couplets, une musicalité censé plaire aux grands publics. Cependant la mayonnaise ne prend pas, le MC du 92 avouera lui même plus tard dans une interview, qu’il ne maîtrisait pas totalement cet outil.

Le public rap, quant à lui, est brusqué, attaché à la notion de street crédibilité, le public de l’époque ne comprend pas ce tournant bien loin de l’énorme banger de la même année « Molotov 4 » de Sefyu.

Cette prise de risque constituait l’essentiel de sa stratégie pour la promotion de son album, en effet le premier single de ce projet est « illégal ». Si les premières mesures correspondent au Booba trash que l’on connaît (« Je me lave le pénis à l’eau bénite je vais rentrer au pays marier 4 grognasse qui m’obéissent », le refrain est lui chantonné.

Si aujourd’hui le rap est décomplexé et chanter n’est plus un tabou, les mœurs n’étaient pas les mêmes en 2008. Les featurings se placent sur la même volonté de recherche de musicalité. Outre « Izi life » en featuring avec les anciens membres du 92i ( Mala et Brams ) et « Salade, tomate, oignons » (ft Djé), les autres invités ( R.City, Demarco et Naadei ) apportent leurs musicalités Rock, Reggae et Rnb aux différents morceaux, sans véritables plus values, on aura souvent tendance à zapper Bad boy street ft Demarco pour écouter le classique Game Over même si on retiendra dans cette track la référence à la légendaire punchline de Pas le temps pour les regrets « Hors-de-portée, mort de rire, sans remord, quand j’écoute les menaces de mort des forces de l’ordre ».

Rupture avec le rap

Cet album marque également une volonté de rupture avec le rap d’un ancien temps, avec ses nouvelles sonorités Booba insuffle la nouvelle tendance à suivre dans le rap, il pose d’ailleurs un affront direct aux symboles de ce rap « ancien » dans le morceau B2OBA « NTM,IAM,Solaar c’est de l’antiquité ».

Cette rupture avec le passé se manifeste également la promotion de l’album, fini le 4×3 collé dans les rues ou dans les gares, l’essentiel de la promotion de cet album s’est faite sur internet, une véritable prise de risque pour l’époque, d’autant plus qu’à cette même période les hostilités entre Skyrock et Booba commencent. Cette prise de risque relativement ratée de Booba colle à l’image de cet album qui contient pourtant certaines pépites.

Un album pas jugé à sa juste valeur

L’auditeur a tendance à résumer cet album comme l’album de l’autotune ou encore un album à jeter. On a tendance à oublier les classiques dont regorgent cet album.
0.9 commence pourtant sous les meilleures auspices, après une sombre intro, où résonnent la pluie, des bruits de chaînes et de coups de fouets, l’album s’enchaîne sur une des premières collaborations entre Therapy et B20, Izi monnaie, un morceau venu des ténèbres aux « lyrics tout droit venu du cul du diable », un des morceaux les plus sombres de sa discographie entre description d’une dure réalité sociale et égotrip. On y trouve un B20 à l’aise sur le beat de Therapy, une collaboration qui nous donnera quelques un des meilleurs morceaux de la discographie de Booba.
Cet album contient nombreux autres classiques à l’image de B2OBA, Garcimore, Salade Tomates Oignons, Game Over. Tous ces titres mis au second plan, comme si la médiocrité avait plus de résonance que la qualité. Le manque d’homogénéité de l’album lui a causé du tort, la suppression de quelques titres auraient donné une tout autre consistance à cet album.

Après 0.9

Ennemis de toujours, les carrières de Booba et Rohff présentent des similitudes. Au sortir de son énorme succès commercial de La vie avant la mort et la vente de 800.000 singles de Qui est l’exemple, pour se redorer une image plus street, Rohff balance le maxi Le son c’est la guerre, un morceau de 7 minutes où Rohff crache sa haine et recolle avec la rue.
Pour sa part, B20 balancera le troisième volet de ses mixtapes Autopsie, un des volumes les plus réussis, bien reçu par le public à travers des sons comme Double Poney, A3, Rats des villes… Cette mixtape sera également l’occasion de mettre les projecteurs sur des rappeurs tels que Despo Rutti, Seth Gueko ou encore Dosseh.
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En 2010, Booba sort Lunatic, deux ans après son précédent projet, Booba semble avoir appris de son échec au vu de la qualité de l’album. B2O maîtrise désormais le vocodeur, en atteste les morceaux Killer, Ma couleur ou encore le classique Comme une étoile.
L’album présente un juste équilibre entre bangers et morceaux chantonnés. Véritable succès critique et commercial, le Duc démocratise l’autotune et dicte alors la tendance à suivre dans le rap français.