
Il y a quelques jours l’équipe de Dynam’hit a eu l’occasion de discuter avec Imhotep, monument du rap français et figure de proue du groupe emblématique IAM. Nous ne reviendrons pas sur l’histoire de Pascal Perez mais nous essayerons, par nos questions, de comprendre où en est l’artiste, près de 30 ans après ses débuts.
Ruddy & Lola
Ruddy : Bonjour, merci d’être venu.
Imhotep : Merci de m’avoir invité.
Ruddy : Je ne suis pas un professionnel dans le domaine, c’est la première fois que je fais ça.
Imhotep : Mais moi aussi, c’est la première fois que je fais une MasterClass à Kedge, donc voilà, on apprend tous les jours.
Ruddy : Je suis très honoré de vous recevoir, c’est un moment particulier pour moi car j’aime le rap ; c’est ce que j’écoute tous les jours. Et je pense que dans la culture urbaine, vous êtes des légendes IAM, vous êtes des précurseurs, vous avez montré la voie à ceux qui rappent aujourd’hui et c’est important de revenir aux racines et d’apprendre des personnes qui ont commencé. Tout d’abord j’aimerai savoir un peu ce que vous faites en ce moment…
Imhotep : J’ai un petit statut particulier par rapport au reste du groupe qui continue à faire des tournées, ils sont repartis le 18 mars dans une station de ski et après ça continue avec une petite tournée de printemps avant d’attaquer les gros festivals estivaux. Donc eux ils ont un bon planning de concerts et de live au printemps et en été. Enfin après deux ans de Covid où ça été compliqué, là ils peuvent repartir sur la route et au contact du public. Je vais les rejoindre sur certaines dates exceptionnelles mais de mon côté j’ai d’autres projets : je suis un peu en reconversion et en pré-retraite, j’ai calmé mon rythme de travail parce qu’à mon âge il faut être raisonnable. Je fais donc uniquement ce que j’aime, non pas que je faisais des choses que j’aimais pas avant, mais c’était un rythme très très intensif. Le rythme de tournée avec le groupe c’est sportif. Moi j’avais besoin de me calmer un peu, donc je fais quelques MasterClass comme ce soir, j’anime, je fais des petites sessions, je rejoins mes collègues du groupe IAM en studio parce que là on est revenu à l’indépendance donc on continu à créer en permanence, on crée des titres, on les compose. Donc voilà l’actualité sur scène, l’actualité sur disque. On continue à être productif, 30 ans après nos débuts.
Ruddy : ça tombe bien, je voulais vous parler de ça, de la longévité du groupe. Il y a beaucoup de styles de musique, d’artistes qui apparaissent et vous êtes toujours là, vous êtes toujours écoutés, notamment par des personnes de notre âge. Est-ce que vous avez un secret pour cette longévité ? Comment faire pour toujours se renouveler ?
Imhotep : C’est pas un secret, on l’a toujours dit depuis le début : ce qui nous anime c’est la passion pour la culture hip-hop, pour la culture rap. Que ce soit l’écriture, le DJing, le beatmaking, on est des passionnés, même la danse pour certains, on est des passionnés de cette culture et de discipline et on s’arrêtera le plus tard possible, c’est à dire jamais. Et même quand on sera plus là les gens continueront d’écouter notre musique.
Ruddy : J’ai aussi des questions sur votre influence multiculturelle, ce que ces influences vous ont apporté humainement mais aussi dans vos compositions.
Imhotep : Enfaite, la culture pour moi c’est un grand mix. Mes parents écoutaient une certaine musique qu’ils m’ont transmis, j’ai écouté une autre musique dans ma jeunesse. Mais en gros je me suis retrouvé très jeune à écouter les vinyles de mes parents, ils avaient une platine et ils avaient aussi bien du jazz, que du blues, que du gospel, que de la chanson française donc j’ai du écouter mes premiers vinyles à 5 ans, 6 ans donc j’ai eu très tôt la main sur la platine. Et voilà je suis tombé amoureux de la musique et étant né en Algérie dans les années 1960 j’ai gardé aussi cette influence de musique d’Afrique du nord, cette musique orientale, méditerranéenne et mon influence principale par la suite, si je fais le bilan des années 1960-1970, 1980-1990 et maintenant 2000, c’est la musique afro-américaine, ça part du blues, du jazz en passant par le rythme&blues, la soul musique, le reggae – avant d’être dans le hip-hop j’étais à fond dans le reggae, et vers le début des années 1990 là j’ai basculé totalement, concrètement dans le hip-hop. Donc toutes ces musiques elles m’ont forgé, c’est mon héritage, c’est mon background. Il y a même une époque où j’avais les cheveux longs, je jouais de la guitare électrique, je me prenais pour Jimi Hendrix, c’est toute ma jeunesse et ça continue… Demain je vais découvrir une nouvelle musique, je vais écouter des vieux disques qui vont me donner des idées pour faire de nouveaux titres. Voilà la musique ne s’arrête jamais.
Ruddy : Dernièrement RimK a dit qu’il s’intéressait beaucoup à la nouvelle génération, qu’il accepte ce changement d’auditeurs, de musique, et j’aimerai avoir votre avis sur la nouvelle scène.
Imhotep : Il a tout à fait raison. Moi, j’ai un fils de 27 ans donc il me fait écouter du rap de jeune et moi je lui fais écouter du rap de vieux, on s’apprend des trucs. Franchement, je parle pas forcément de tout ce qui passe sur les radios, les tubes etc., là on est plus dans la chanson populaire, dans la variété. Et c’est pas une critique, c’est très bien, parce que comme je le dis souvent, à mon époque la variété c’était Michel Sardou, Chantal Goya et aujourd’hui c’est JUL, Soprano, ça me va. A la limite je préfère la variété, la chansonnette d’aujourd’hui que celle de mon époque. Mais si on parle rap-rap, il y a des choses magnifiques qui se font. Tous les trois jours je découvre un artiste dans le monde entier, mais particulièrement en France, il y a des gens très talentueux qui arrivent. Donc heureusement que j’ai mon fils qui me tient au courant, qui me fait découvrir et franchement bravo, bravo. Peut-être que nous on a ouvert la voie, on a allumé le premier feu mais il y a des jeunes qui reprennent le flambeau et qui continuent à créer, à composer, à s’exprimer ; pour moi c’est vital, c’est la culture vivante de notre époque, la seule, la vraie culture vivante en ce qui me concerne c’est le hip-hop. On lâche pas l’affaire.
Ruddy : Voilà, c’est bon pour nous. Merci beaucoup.
Imhotep : Merci à vous.