
Et voilà, on est mi-Septembre et comme tous les ans depuis 2013 on se trouve atteint d’un certain syndrome Post- La Route du Rock à l’écriture de cet article. Ce syndrome d’anxiété se manifestant par la crainte de ne plus jamais vivre cette si chère pluie malouine, de ne plus pouvoir fouler les terres boueuses du fort de Saint-Père et pire que ça de ne plus recevoir les claques musicales perpétrées par les pontes et nouveaux venus de la scène indé internationale. Retour dans cet article sur les 4 groupes qui auront rythmé notre festival.
Altin Gün
Si on peine à s’accorder sur les prestations de Kevin Parker & sa bande ou de Metronomy, Altin Gün semble avoir fait l’unanimité. Créé au côté d’un autre hollandais majestueux en la personne de Jacco Gardner, le groupe est découvert en France en 2017 lors Transmusicales de Rennes. Durant un peu plus d’une heure, la bande nous fait découvrir ses influences & rappelle aux plus avertis les plus belles heures de la scène psyché anatolienne de la fin 60s/début 70s. Leur performance nous conforte dans l’idée qu’au-delà des albums studio, le groupe est taillé pour le live. Venus faire la promotion de leur second opus en 2 ans, Gece, il est difficile de résister à l’appel de la danse provoqué par la section rythmique & le saz, forme de luth électrifié au son si singulier. Cette vitalité et fougue communicative qu’on retrouve dans leurs compositions nous enchantent & le groupe surpris d’un tel engouement prend aussi son bien. Une belle surprise !
Crack Cloud
Assurément un des concerts les plus marquants du festival. Aux antipodes de la célébration pop & haute en couleur d »Hot Chip, s’en suit une véritable messe post-punk où les déités se nomment Gang of Four, Talking Heads ou encore Television.
Et c’est bien dans l’obscurité que la prestation de Crack Cloud prend toute sa symbolique. Leur musique est frontale, désarticulée mais par cet alliage de précision et d’intensité, on a l’impression que l’histoire d’une heure, les 7 rejetons d’un Vancouver à l’agonie ne font qu’un.
Le concert se conclura en apothéose avec les addictifs Drab Measure & Swish Swash disponibles sur la compilation de leurs deux Eps sortis chez Tin Angels Records en 2018.
Deerhunter
Un an après avoir vu le groupe Américain à Nantes à l’occasion de la sortie de leur album secret, quelle joie de les retrouver sur la scène du Fort ! S’il est bien un groupe dans les cinq cités qui aura marqué d’une pierre blanche nos vies d’adultes en devenir, il s’agit de Deerhunter. Et il s’avère que le groupe parait tout aussi ravi de revenir à la Route du Rock, 10 ans après un premier passage s’inscrivant dans la période Microcastle.
Sous une fine pluie, le groupe originaire d’Athens aux USA nous délivre les productions du dernier album en date, à savoir Hasn’t Everything Already Disappeared, sorti en janvier dernier sur le célèbre label indé 4AD. Death in Midsummer et Futurism n’hésitent donc pas à s’entremêler aux divins classiques de la bande, dont le subtil et mélancolique Desire Lines, l’aérien Helicopter ou encore le suave Agoraphobia. Le fantasque leader du groupe Bradford Cox, quant à lui, a l’air de se sentir à l’aise dans cette atmosphère si particulière : il s’autorise à enfiler un ciré jaune, accoutrement chéri de tout festivalier de la route du rock qui se respecte.
Bref, une prestation sublime orchestrée par un groupe qui ne cesse de nous surprendre et qui serpente perpétuellement entre désespoir et mélancolie grâce à des mélodies d’un autre temps, marques de fabrique du groupe dont on ne peut sortir indemne.
Stereolab
Le groupe Franco-Britannique culte mené par l’ensorcelante et charismatique Laetitia Sadier, était l’une des têtes d’affiches les plus attendues de ce jeudi. Fruit de la rencontre entre la vision musicale du guitariste Tim Gane (à la baguette de l’excellent side project Cavern of anti matter) et la présence vocale et du travail textuel de Laetitia Sadier, l’histoire de Stereolab débute en 1990 et marque un tournant dans la culture underground de l’époque. Après une dizaine d’albums, le décès Mary Hansen (ex-choriste et claviériste) et une séparation en 2009, le groupe était attendu de pied ferme sur la scène des remparts.
Les retrouvailles sont intenses et instantané : dès les premières notes de Brakhage, leur premier morceau joué sur scène, la magie opère et nous fait oublier les dix ans d’inactivité du groupe. Entre electronica et expérimentations krautrock, Stereolab nous a livré un set à l’image de la diversité et de la complexité de ses compositions, qui ont propulsé le groupe au rang d’ovni magique et inimitable. Le public a ainsi pu redécouvrir l’œuvre si précieuse et unique à travers une setlist ambitieuse qui n’a pas hésité à mêler des classiques tels que French Disko ou encore Miss modular avec des titres moins connus du grand public et plus intimistes comme Double Rocker ou Crest. En effet, le groupe n’a cessé de jongler entre différents genres, allant du krautrock rythmé à la pop baroque en passant par de la bossa nova ou même l’exotica. La discographie hybride et innovante de Stereolab témoigne des différentes influences du groupe : Dots and Loops, Emperor Tomato Ketchup ou encore Peng font figure d’immanquables dans l’univers si particulier de Stereolab. Aussi, la prise de parole politique, qui se fait au travers du texte chanté par Laetitia Sadier, reste (malheureusement) très actuel en ces temps agités et laisse entrevoir un message radical porté par des paroles frontalement anticapitalistes et marxistes.
Pour les fans, le groupe s’apprête à rééditer sa discographie, l’occasion ultime de se replonger dans cet univers surréaliste et envoutant. En bref, pour son unique date estivale, ils nous ont offert un concert sublime et intimiste, notamment par le biais d’une reformation réussie et fidèle à l’histoire du groupe.