PRÉLUDE : « Touche ta SACEM, y’a pas 30 balles. Personne te regarde comme le handball […] Ferme ta gueule et prends tes ronds, j’dépense encore d’l’argent de Panthéon ». Elie Yaffa aka Booba.

Rien de mieux que ces deux citations pour illustrer le thème de cet album. J’étais retissant à la base, oui, je trouvais cette annonce d’album tardive plutôt bancale. Mais… « Tout est NOIR » : Tout est Nero Nemesis !

Après D.U.C, Booba propose le vaisseau Nero Nemesis pour se positionner dans la guerre des étoiles du rap français :

  • « Bonjour Monsieur le Duczer, une guerre des étoiles se prépare le 4 décembre 2015 avec les sorties de Rohff, Jul et Nekfeu. »
  • « Izi. »
  • Que préparez vous ?
  • « Guerre des Étoiles ? Ok. Je vais créer un univers. Je vais leur faire du sale, j’ai fais du reggaeton et un peu de zouk dans D.U.C, d’accord. Ce classique sera sombre car tout est noir comme dou-dou Niang. »

Je tiens à préciser que je n’ai jamais vraiment été un Ratpis de B2o. C’est un grand plaisir de vivre un tel classique et je ne l’avais vraiment pas vu venir. Cette album est la définition du « turfu » qui est cher à Booba.

« SOUHAITE MOI LONGUE VIE, ME SOUHAITE PAS BONNE ANNÉE.»

Entendu Mr. Kopp ! Voilà un album qui va vivre très (très) longtemps. Loin d’être un grand fan de Booba, je me suis laissé deux mois pour pénétrer l’univers très sombre de l’album. Je débute cet article en ce premier janvier 2016, une année qui débute sous le règne du néo Attila le Hun, oui, le Duc est au sommet de son art. Qui aurait cru à l’époque de Temps Mort, qu’Élie Yaffa remplisse un Bercy bouillant, presque céleste, et en plus, en 2015 après 20 ans de carrière ?

Nero Nemesis est EXTRAORDINAIRE. J’estime que c’est le meilleur album de Booba depuis Panthéon. Entrons ensemble dans la Galaxizi du DUC…

 

« WALABOK » (déf) : Mot Wolof qui signifie : Wesh bien ou quoi ? C’est comment ?

« Ta mère la vizigoth » en introduction et la troisième mesure de l’album qui annonce la couleur : « Tu n’arriveras jamais comme le feat avec Rohff ». Booba revient « en mode Manu le Coq » et cette intro est explosive ! Le Duc pose sur un beat épuré et se présente sous son nouveau titre : Attila le Hun. Flow saccadé et punchlines relevées, le Duc est bel et bien « posté comme un grizzly », au sommet, tout en haut. Alors ? C’est comment ?

 

 

Piste 2 : Talion c’est moins d’autotune et plus de kick, un mélange bien sombre et « salam nous taillons ». Un morceau qui monte en puissance avec le deuxième couplet avant un troisième bien travaillé. L’artiste nous propose un florilège de références (Il a réussi à citer Alliage oklm quand même) qui éveillera l’oreille musicale de la génération assassin et qui ambiancera les plus jeunes..

Il n’y a pas de loi du talion, non, je suis Attila et j’attaque en premier, ainsi la question ne se pose pas.

On a apprécié la punchline de notre cher diamantier qui se demande : « Qu’est-ce que ça fait d’être fauché ? Je ne m’en rappelle plus. »

 

« Wu-tang ! Wu-tang clan ! », le son ZER avec Benash et Siboy en guise de 3ème piste de l’album est phénoménal. Un flow maîtrisé de A à Zer par Booba et un refrain qui reste dans la tête sans cesse. Une bonne énergie amenée par un Benash « protégé par un très grand marabout » et un Siboy qui représente une véritable découverte.

Nero Nemesis est sombre, très sombre. Et le Duc nous le rappelle constamment : « Noir c’est noir, ont-ils dit, y’a donc vraiment plus d’espoir ». Ce morceau, avant-gardiste pour ma part, est l’un des meilleurs de l’album. 92i Veyron : Musicalement aussi, « les vainqueurs l’écrivent, les vaincus racontent l’histoire. » Et quelle histoire ! Ils vont avoir de quoi parler avec ce morceau du Turfu !

Classique mais… Scandale ? Qui est Sidiki Diakité ?

Ce jeune talent africain représente simplement la source d’inspiration de Benash et Booba pour Validée avec Ignanafi Debena. Le Duc l’invitera plus tard à Bercy pour l’un des plus beaux concerts de rap français de l’histoire !

J’étais sceptique lors des premières écoutes de Validée avant la sortie de l’album, « ouais, c’est du zouk, c’est bon Booba est parti en vrille, #toussatoussa ». Ce son est le petit rayon de soleil du sombre Nero Nemesis, il y prend donc tout son sens. Le duc a d’ailleurs expliqué qu’il n’aurait jamais dû sortir avant le 4 décembre. La mélodie est belle, le son est travaillé et touche un public encore plus large : Merci Sidikizer !

On passe à Attila (roi des huns, considéré comme le fléau de Dieu) et sa petite punch en direction de Kaaris le vampire (cf. sa vidéo où il souhaite boire du sang). Un Duczer énervé qui « fuck le yang, fuck le ying » et qui nous régale, sans thème. Corneille, Montesquieu et d’autres ont souvent évoqué ce roi Attila, froid et sans amour pour celui qui n’est pas Hun. Aujourd’hui, B2o nous l’illustre en version 2015 : « Cherche pas les clés de mon cœur, j’ai que les clés de la Lambo ». Classic Shit que ce morceau à la sauce AK-47 zer.

Nous voici complétement plongés dans l’univers de Nero Nemesis (en gros, t’as capté le délire).

Charbon est un morceau moins profond que les autres mais il entretient l’univers ténébreux qu’a installé Booba dans Nero Nemesis.

Pour ce qui est de la collaboration avec Twinsmatic sur U2K, elle apaise un peu l’album avec une mélodie plutôt calme. Avec U2K, c’est la trève, on respire… Une suite logique de A.T.R que j’avais trouvé très bon en prévision de l’album. De bonne augure pour la suite de relation Booba-Twinsmatic.

 

« Fuyons d’ici ma duchesse…» La suite est dangereuse

GENERATION ASSASSIN : un flow atypique et une plume magique accompagnée d’un beat révolutionnaire… ce morceau est un sacré classique. 2min23 d’art pûr, ce son est certifié classique et rends hommage au groupe Assassin (fondé en 1985), Roquin’Squat a d’ailleurs participé au grand concert du duczer à Bercy.

Un florilège de punchlines :

  • « Je ne peux pas, je vais à la chicha… »,
  • « J’nique des mères à toute vitesse, ma queue a le syndrome de la Tourette. »,
  • « Si t’as un gros cul, t’as tout ce que j’aime (x2), tu ne baises pas la première fois, moi je ne te baise pas la deuxième »,
  • « J’me fout de tes simagrées, de qui t’as marbré… VROUM VROUM, j’fais des roues arrières dans l’cul de ta madré. »

Et j’en passe…

Je me répète, mais le flow est exceptionnel, très technique.

Je me répète, mais la plume est aiguisée et le choix d’écriture innovant.

A la découverte d’un nouveau pirate : Damso ! Une atmosphère hostile installée par le beat un Booba qui prends la responsabilité du premier couplet sur Pinocchio. Simplement pour introduire la puissance du couplet qui va suivre. En effet Damso est tranchant, à l’aise et signe son couplet avec, en dernier mot : « DAMSO ». Gato suivra avec un couplet maîtrisé comme il sait le faire. Pinocchio est bon, Damso excellent. Un des meilleurs sons de l’album, avec le Duc en position de « manager » de son équipe.

Comme les autres : Un morceau intéressant dans lequel Booba se présente et « se confie ». « T’es stringué, j’suis culotté. » ; «J’suis une tonne de bédo, t’es un kilo de thé » ; « Y’a que ton arrière grand-mère la pute qui sait pas qui je suis ».

Il explique qu’il n’est pas de ce monde, qu’il est dans le turfu. C’est une tendance à la mode, Young Thug explique qu’il ne vient pas de la planète terre par exemple. Ainsi, Booba se persuade, il dit qu’il n’est comme personne, chaque couplet marque la différence entre le Duc et le reste du monde. Dans le même morceau, chaque refrain résonne avec « Que Dieu me punisse d’être comme les autres.». Paradoxal ? Non, cela entretient le mythe et on apprécie ! Il nous persuade qu’il n’est pas comme les autres.

L’auditeur est plongé dans son univers et y croît, il chante le refrain en se l’appropriant. On retrouve ceci dans Petit Jaloux de Lacrim et Maître Gims qui nous fait chanter « J’ai rêvé que j’étais Maître Gims ! » On le chante et à force, on entretient la légende, la différence, le fait qu’ils ne sont pas comme les autres.

 

Qui pensait que le rap d’aujourd’hui n’était plus revendicateur ? Qui pense que la plume de Booba n’est plus ?

Le beat est une reprise de See What I’m Sayin de Migos, sur la mixtape Back to the Bando, le flow et le concept sont uniques, Booba présente Habibi ! Un son qui ne va pas plaire à tout le monde mais le duc a jugé que son album en avait besoin.

Alors relevons deux phases de ce morceau :

« Babylonien, pourquoi tu mens tout le temps » : Babylone symbolise l’impérialisme occidental dans la culture populaire. En 2005, dans son film Alerte à Babylone, Jean Druon considère que les technologies (perçues comme bonnes aux yeux de toute la société) telles que le nucléaire, les OGM et les nanotechnologies ne peuvent avoir que des conséquences négatives sur la santé et la vie en général.

 

« Noir est l’arc-en ciel, qui l’a peint, c’est l’archangel » : Un “archangel” est un ange (symbole de la bonté) important. L’archangel est étymologiquement, un ange qui a du pouvoir. Booba explique alors que dans ce monde, c’est celui qui a du pouvoir qui noirci les lueurs de ce monde. Ainsi, celui que l’on voit bon (l’ange), est dangereux quand il a du pouvoir.

 

Cette phase est d’autant plus réfléchie que Booba a une image controversée mais cherche à éveiller nos perceptions : «Sa mère, Laurent Ruquier contre l’orang-outan» (Booba s’identifie ici a l’orang-outan, singe réputé pour sa grande intelligence, et fait référence à son passage sur le plateau de Laurent Ruquier, le 6 janvier 2007.)

 

Le meilleur pour la fin !

L’introspectif 4G fait le bilan de l’album avec une écriture lucide et percutante.

Tranchant et authentique, Booba s’amuse sur une instrumentale extraordinaire, un flow (que l’on va détailler) qui se balade, et une écriture placée sous le signe de le Punch-lune !

  • « J’veux le flow de ta chatte, j’veux les fonds d’Jacques Attali

J’lui ai dit “j’veux t’la mettre” elle m’a dit ”j’veux mettre du Cavalli”

  • Booba s’amuse avec l’homophonie du mot pour imager le fait qu’il souhaite avoir un “flow” aussi clair et limpide que le flot de madame.
  • « Grise est la matière, noire est la manie » Booba définie son album, au même titre que sa pochette, grise et noire. Sa matière grise produit un classique, un album sombre, ténébreux : Noir.
  • « Tout est permis dans ma fédération » : mesure qui précède celle sur Madmax, le choix du mot « fédération » ne s’est pas fait au hasard…
  • Booba emploie le terme fédération pour définir son entourage et ses structures (label Tallac Records, OKLM.com… etc). Tout est permis dans son univers, que ce soit les déflagrations ou les paroles crues et vulgaires.
  • « M.A.D.M.A.X génération » : Booba, né en 1976, est de la même génération que le film Mad Max.

Et là, le duc nous sort la phase que je considère comme la meilleure de l’album, elle est technique, fantaisiste et complètement folle !

« J’suis un selfie t’es l’Photomaton

J’ai des amis flics et des potos matons

Non pas par gentillesse, pour faire rentrer des iPhone 6S

Non pas par gentillesse, pour faire rentrer des iPhone 6S »

Sur cette phase, que j’ai choisi de regrouper en 4 mesures, Booba change complétement de flow après la deuxième en jouant avec nos oreilles puisque la plupart des auditeurs à qui j’ai demandé s’ils avaient fait le lien entre ces mesures m’ont répondu négativement.

Un refrain maîtrisé qui rends le morceau magique ! J’ai notamment gardé la phase : « J’ai 3w, j’possède plusieurs noms de domaines » (Cf. oklm.com par exemple).

Pas d’homme, pas de problème ! B2o a du Staline : « La simplicité c’est de tuer qui s’oppose »

Dans la culture américaine, le billet de 2$ est rare, donc symbole de chance, le duc cite : « J’ai l’million de Benjamin, t’as des liasses de Jefferson », ainsi, il se dit riche, et n’a pas besoin de chance puisqu’il a plus d’argent que son opposant.

J’aurais pu relever toutes les phases du morceau… Personne ne va l’arrêter, Booba ne s’est pas trompé !

Le Duc conclue l’album de manière formelle, il est numéro 1 et ce n’est que le début !

C’est le huitième album solo pour Booba. Le deuxième cette année. Il a varié son flow et son écriture mais est devenu encore plus chaud. 13 ans après Temps Mort : Nero Nemesis fait entrer Booba dans une nouvelle ère de domination du rap game !

 

Ceci s’explique par son activité constante, sa maîtrise des réseaux sociaux et son activité hors-rap. Son talent n’as pas bougé : l’écriture. Actuellement, Booba s’amuse sans contrainte mais « sa réalité, il l’a imaginé » (Cf. JDC).

Et dans sa réalité, il sort son nouveau morceau sur oklm : JDC (J’arrète des Carrières) et tout ça en guise de bilan sur l’année passée au cours de laquelle il a calmé ses concurrents (de Kaaris à Skyrock).

Il m’aura fallu presque 3 mois d’analyse pour écrire cet article, j’ai écouté l’album plus de 100 fois et c’est un honneur de pouvoir publier ma vision de Nero Nemesis. Cet album est certainement le plus abouti de Booba, un vrai régal dans un univers sombre et bien propre au Duczer !

 

 

Bonne écoute ! La suite s’annonce phénoménale, il ne faut pas rater le vaisseau Nero Nemesis !

Je suis devenu un ratpis.

PS : Ceux que ne comprennent pas le mot RATPIS n’ont qu’à écouter Nero Nemesis, télécharger oklm radio et se renseigner sur les différentes activités du DUC. J’ai mis du temps, mais j’ai compris : La Piraterie n’est jamais finie !

Et en bonus : oklm.com

Rayane alias Le Sweek.