Le secteur des industries culturelles et créatives est l’un des grands perdants de la crise sanitaire mondiale que nous vivons.

Conséquence de la pandémie de Covid-19, la plupart des festivals qui se déroulent habituellement au printemps ou en été en Europe ont été reportés ou annulés. Une perte économique qui se chiffre en plusieurs centaines de millions d’euros mais qui pourrait rapidement se transformer en milliards.

Dynam’hit fait un rapide tour d’horizon de la situation économique autour de ce secteur.

Des annulations en cascade

Selon Emmanuel Négrier, directeur de recherches au CNRS et directeur du Centre d’études politiques de l’Europe latine à l’université de Montpellier, la France ne compte pas moins de 6000 festivals ou manifestations culturelles dans une année. Entre mars et fin aout ce n’est pas moins de 70% de ces manifestations qui étaient programmées.

Que ce soit, le Festival d’Avignon, celui d’art lyrique à Aix-en-Provence, du film d’animation à Annecy, ou encore, dans le domaine musical, Lollapalozza et Solidays à Paris, le Main Square Festival à Arras, le Hellfest à Clisson (Loire-Atlantique), Marsatac à Marseille, ou les Francofolies de La Rochelle, tous les directeurs de ces manifestations et de dizaines d’autres ont annoncé, la mort dans l’âme, qu’ils passaient leur tour cette année. Une vague d’annulations sans précèdent, du jamais vue dans le domaine de la culture.

Alors même si certains festivals comme le DELTA Festival à Marseille ont décidé de reporter à la rentrée leur événement, une grande partie des festivals prévus en 2020 ont vu leur édition complétement annulée soit car organiser une édition en septembre est très contraignant en termes de calendrier, soit pour éviter une catastrophe financière annoncée.

Pourtant ce ne sont pas moins de 7,5 millions de festivaliers qui étaient prévus dans tout l’hexagone pour un panier moyen de 55€ par personne et par séjour.

Un impact visible à différente échelles

 » Tout compris, le secteur culturel c’est 2,5% du PIB français et 2,2% des emplois. «

Françoise Benhamou, spécialiste de l’économie de la culture, professeure à l’université Paris XIII et à Sciences-Po

France Festival a estimé courant du mois de mai un manque à gagner entre 2,3 et 5,8 milliards d’euros si l’on compte tout les acteurs économique et institutionnels qui profitent d’habitude de l’organisation de ces manifestations.

Un chiffre qui fait froid dans le dos, mais qui comprend toutes les dépenses prévus par les festivaliers, les cachets d’artistes, les scènes qui ne seront jamais montés, les ingénieurs sons et lumières qui ne seront pas recrutés et même les recettes fiscales qu’engrangent d’habitude les institutions etc…

Selon Françoise Benhamou, spécialiste de l’économie de la culture, « C’est une catastrophe pour les artistes, les techniciens, tout ce monde qui travaille pour qu’un festival puisse se tenir. Et en plus, il y a les retombées locales qui disparaissent d’un coup de plume« .

Surtout que beaucoup des travailleurs du monde du spectacle, dispose d’un statut d’intermittents du spectacle, statut plus que précaire dans notre société. Comme le rappelle Françoise Benhamou, « il y a à peu près 275 000 intermittents du spectacle en France. Le gouvernement a pris des mesures. Il a neutralisé la période de confinement pour le versement des indemnités. Mais au-delà ça ne résout pas la question et toutes ces heures perdues vont poser problème à tous les gens qui en vivent. »

Un technicien des arts de la scène

Une reprise pas si évidente

Même si la reprise économique pointe le bout de son nez dans certains secteurs, le secteur des festivals et de la culture en général risque d’être impactés durablement.

En effet, les éditions annulées ne sont pas rattrapables dans le temps, et les organisateurs s’attendent à une baisse de la fréquentation des festivals même à la rentrée, à cause de la peur d’une seconde vague épidémique.

« Je ne suis pas sur qu’on puisse compenser la perte. Des compagnies vont faire faillite. Les collectivités locales ont dit qu’elles feraient un effort mais qui ne suffira pas à couvrir l’ensemble du désastre«

Françoise Benhamou, spécialiste de l’économie de la culture, professeure à l’université Paris XIII et à Sciences-po

De plus si les mesures de distanciations sociales, et les mesures de protection comme le port du masque obligatoire restent ou entrent en vigueur pour la réouverture des festivals, cela risque d’engendrer un surcoût énorme pour les acteurs du secteur qui seront en plus embêtés par une concurrence exacerbée par un calendrier beaucoup plus serré.

Cependant certains signes peuvent être appréhendés positivement. Comme le fait que beaucoup de Français se sont tournés vers la musique durant le confinement, et qu’ils iront surement soutenir cette industrie, symbole de la liberté « à la Française ». Deuxièmement, cela a permis de mettre en lumière les milliers de personnes qui travaillent dans l’ombre des artistes mais qui sans qui les festivals n’auraient jamais lieu. Ces intermittents du spectacle, qui vivent et font vivre la culture de notre pays, tant reconnue dans le monde pour son génie.

Et enfin, la grande réussite de la réouverture récente des bars et des restaurants a bien montré que les Français voulaient sortir et se divertir après une longue période de « disette sociale ».

Lucas