Après une première expérience mémorable à l’Olympia en mars 2014, que j’avais perçue à l’époque comme une sorte d’accomplissement pour le jeune prodige du reggae digital, il a fallu peu d’arguments pour me convaincre de retourner voir Biga*Ranx au Trianon ce samedi 28 janvier, un concert organisé par X-RAY PRODUCTION.

Ultime date parisienne après une longue série de concerts – près de 500 dates en France et en Europe, dont le Dour Festival, Solidays ou encore le Printemps de Bourges – le ragga-dub maker est venu foutre le feu au Trianon, magnifique salle au pied de la butte Montmartre et voisine de la très belle Cigale. En rendez-vous avec l’authenticité parisienne du 18e, le tourangeau de 29 ans a conclu avec brio la longue épopée qui a suivi la sortie de son dernier album Nightbird, mix parfait de nombreuses influences perchées entre le reggae, le dub et le vaporwave, une nouvelle ambiance à l’origine d’un genre tout neuf qu’il a lui-même nommé rub-a-lounge.

Constatant aujourd’hui que la date à l’Olympia du 14 mars 2014  était en fait sa première date parisienne après la parution de Nightbird, sorti le 9 mars 2014, et que ce concert de samedi marquait la fin de cette très longue tournée de concerts, il est clair, une fois de plus que le type est un véritable monstre de scène, un showman hors-norme, qui a su nous réveiller après une première partie bien détente, assurée par le jeune crew Roots Attack, qui nous aura doucement préparé à recevoir la frappe reggaephonique de Biga Ranx, notamment grâce à des pépites toutes fraichement sorties comme Welcome to Kingston, en feat avec Joseph Cotton.

Complètement détendu et tout de Tealer vêtu, le MC est arrivé après une superbe introduction  d’Ordinary Day par les musiciens qui l’accompagnaient sur scène avant de demander si les « ganjamen étaient là ce soir ». Bien sûr qu’ils l’étaient, malgré un service de sécurité plus qu’au taquet, qui n’hésitait pas à sortir les gens de la fosse pour mettre la pression aux récidivistes. Prévisible dans une salle d’un tel niveau de patrimoine historique. Mais qu’importe, Biga Ranx est parvenu à tenir un public en furie du début à la fin de sa prestation, sa musique (et quelques bières) suffisant largement à passer un pur moment de reggae. Avec des morceaux revisités pour le live, aux temps dédoublés pour une rythmique plus marquée, des intros parfaites pour stimuler l’impatience d’un public effervescent, Biga a secoué le vieux théatre du Trianon, à en faire trembler un sol qui se mouvait à la fréquence des bonds de la foule. Les pépites ont défilé devant un public en ébullition croissante à l’écoute d’Ordinary Day, Zip Bag, DJ For The Night, Sexy, Bossman, Alone, quelques vieux titres comme Storm Dance, Gipsy Rock, Brigante Life ou It’s A Shame (de l’album On Time), mais également l’un de ses premiers sons, enregistré en Jamaïque aux côtés de l’immense Joseph Cotton, Air France Anthem et enfin Liquid Sunshine, extrait de son très attendu prochain album. On a d’ailleurs senti une teinte d’émotion après le rappel qui s’est ouvert sur la très longue intro de « Paris is a Bitch », un des sons préférés du MC, qui annonçait la fin de sa tournée et la prochaine sortie de son album, courant 2017.

Si Biga*Ranx s’éloigne aujourd’hui des fondements du reggae, particulièrement du reggae dancehall qui imprégnait On Time, puis du reggae-dub de Good Morning Midnight, pour s’orienter dans un trip plus sirupeux et vaporeux dans lequel le vocoder fait sens, déjà bien amorcé dans Nightbird, il ne fait aucun doute désormais que Biga*Ranx, entouré des plus grands, de Lee Scratch Perry à Big Youth, a ouvert une immense porte au reggae français, en innovant et en le tirant vers le haut, façonnant aujourd’hui une part de son authenticité et renforçant sa légitimité partout dans le monde. Ce dont on est certain, c’est que si cet entourage n’a fait que s’agrandir et se renforcer, le « jeune » MC le doit à une constante moins liée à son « style » musical qu’à sa philosophie : depuis ses débuts, il n’a jamais fait autre chose que la musique qu’il aime, puisée et refondue par des influences parfaitement éclectiques, et parfaitement traduite par son implication sur scène.

On attend donc avec impatience ce prochain album qui, on le sait déjà, sera sûrement moins teint de reggae que ce qu’il a pu faire jusqu’à présent, mais nous surprendra au moins autant que ses trois opus précédents.