Celui que l’on connaît désormais presque plus aujourd’hui en tant que podcaster, présentateur ou chroniqueur, comme l’illustrent ces dernières apparitions en tant que présentateur de la série 59′ inside de ZKR ou lorsqu’il a annoncé la reprise de sa déjà mythique émission Roule avec Driver, a eu une longue carrière d’artiste dans le rap (encore en cours !). Pour les afficionados du personnage mais aussi pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de celui qu’on surnomme le maire de Sarcelles, mise en perspective chronologique du parcours de Driver.

Cet article retranscrit principalement l’excellente interview de Driver par The Share Players.

Jeunesse, premiers contacts avec le hip-hop

Né en 1976 à Sarcelles, Driver fait partie de la génération qui a découvert le rap comme un phénomène nouveau, notamment grâce au rap américain à la fin des années 80, mais aussi par la danse, qu’il a brièvement pratiqué.

En 1989, il entend pour la première fois sur Radio NOVA un freestyle de ceux qui deviendront plus tard les membres du ministère AMER. A une époque où la musique à la radio se résumait aux grands tubes de la variété française et internationale, le jeune garçon de 13 ans à l’époque se souvient avoir été séduit par la proximité qu’il avait avec les textes de ces rappeurs, issus de la même ville que lui.

le Ministère A.M.E.R

C’est à ce moment qu’il commence à mémoriser les textes qu’il entendait à la radio, puis à les interpréter devant ses camarades d’école ; de fil en aiguille, Driver (son nom d’artiste venant du fait qu’à 11 ans, il ne savait pas rouler à vélo, et qu’à l’occasion de leurs premiers cours d’anglais un de ses camarades l’aient ironiquement surnommé « Driver ») commence à vouloir écrire ses propres textes.

Débuts dans le rap

Dès le collège, puis au lycée (au début des années 90) Driver fait tout pour se faire connaître. Son premier objectif est de se faire connaître des membres du ministère AMER, alors déjà bien implanté et reconnu dans le jeune milieu du hip-hop en France. A une époque où Spotify et Youtube n’existent pas, le moyen le plus répandu de se faire connaître est de faire des freestyles à la radio, et d’espérer que des gens l’enregistrent sur des cassettes afin de faire tourner le son au maximum.

A l’époque, les textes de Driver racontent surtout son quotidien : la galère, mais surtout l’ennui ; il évoque notamment le fait qu’en dehors du sport, lui et ses amis pouvaient passer des journées assis, à ne rien faire hormis discuter.

Durant cette période, Driver est amené à rencontrer beaucoup de monde, et commence à apprendre à réaliser des « vrais morceaux », lui qui jusqu’ici ne s’exprimait que sur des freestyles.

Par un hasard de rencontres, il arrive à placer son premier morceau, Roule avec Driver, sur une compilation tirée à 500 exemplaires.

Alors qu’il est encore au lycée, il signe son premier contrat chez Polygram, puis un peu plus tard pour 3 albums chez Polydor. Driver commence à se faire un nom dans le microcosme des insiders du rap français de l’époque en île-de-France, et enregistrera à ce moment des collaborations avec de grands noms tels que Booba, Cut Killer ou Dany Dan, avant même la sortie de son premier album.

Premier succès et premier album

Au milieu des années 90, il était pratique courante en France chez les maisons de disque de demander à leurs jeunes artistes de faire le remix d’un tube américain afin de se faire connaître. Driver n’a pas dérogé à la règle, et c’est grâce à un remix de Boyz II men que l’artiste passe pour la première fois sur une radio nationale, en 1998.

A partir de là, tout s’est accéléré pour lui, et il sort son premier album Le Grand Schelem le 15 septembre 1998, où apparaissent tout de même Dany Dan et Diam’s. Le projet est bien reçu, et rencontre un succès.

Driver lors de la promo de son premier album

Pour faire suite à ce premier succès, Driver se sent prêt à ressortir un nouvel album, mais à cause de la restructuration de son label, son deuxième album Swing Popotin ne sort qu’en 2002. Comme son nom l’indique, l’album propose un rap plus « dansant », tendance déjà bien répandue aux US mais qui n’a pas encore connu de succès en France. Ce constat, couplé au fait que l’album soit sorti trop longtemps après le premier pour surfer sur la vague de ce dernier, font que le projet rencontre un succès assez mitigé.

Pause et retour en indépendant

Suite à cela, Driver disparaît quelque peu de la scène médiatique et passe son temps à voyager, notamment aux Etats-Unis. Là-bas, il apprendra une nouvelle manière de créer sa musique. Lui qui était habitué à préparer ses morceaux en les écrivant à l’avance, va avoir un déclic lors d’une séance studio, où il va commencer à écrire directement en studio en « ressentant la musique », méthode de création qu’il n’a jamais quitté depuis.

Après quelques désaccords avec son label, Driver ne sortira pas de 3ème album avec Polydor, et se dirige vers la voie de l’indépendance. Il s’associe avec Jean-Pierre Seck, figure emblématique de 45 scientific.

En 2007, il sort une mixtape où apparaissent notamment Stomy Bugsy, Lino, Akhenaton et Diam’s.

En 2010, il sort son 3ème album L’architecte, album que beaucoup considèrent comme le point d’orgue de sa carrière de rappeur.

Par la suite, un projet en 2014, puis plusieurs mixtapes en 2017. Déjà grand auditeur de reggaeton, il se découvre durant cette période un grand amour pour la musique latine d’Amérique du Sud, amour qui se retranscrira dans ses derniers projets.

Transition vers d’autres activités

S’il existe des footballeurs qui ne regardent pas le foot à la télé ou des chanteurs qui n’écoutent pas ou peu de musique, ce n’est pas le cas de Driver, qui est connu pour être une vraie encyclopédie du hip-hop (mais aussi du reggaeton), jamais à court d’anecdotes.

C’est cette réputation qui lui a valu d’être recruté comme chroniqueur par Mehdi Maizi (lui-même recruté par Booba) pour son émission La Sauce sur OKLM.

Driver dans les locaux d’OKLM

A force de raconter ses anecdotes dans La Sauce, il est décidé de lui accorder une émission entière, qui s’intitulera Roule avec Driver (en référence à son tout premier morceau) où il raconte l’histoire des grands artistes, groupes, collectifs, ou maisons de disque qui ont marqué le hip-hop. Ce programme, déjà considéré comme culte chez les passionnés de rap en France, s’est arrêté lors de son départ d’OKLM en 2020, mais il a récemment annoncé le retour de l’émission début 2021, dont les épisodes sortent aujourd’hui sur sa chaîne Youtube.

Aujourd’hui

En 2021, Driver est l’hôte du podcast Featuring, où il retrace toutes les deux semaines la carrière de l’invité du jour lors d’entretiens extrêmement agréables dans lesquels il laisse principalement la parole à son invité.

Par ailleurs, il est l’animateur de l’émission de débats autour de hip-hop « La Récré » sur Youtube.

Aujourd’hui âgé 45 ans, Driver a connu une riche carrière et a parcouru les différentes ères du rap en France, semblant aujourd’hui délaisser la création musicale au profit de la transmission de son immense savoir sur le hip-hop dans ses différents formats. Dans un cas comme dans l’autre, les amoureux de rap français ne peuvent que se réjouir de pouvoir profiter du contenu proposé par Driver, personnage assez unique dans le paysage du rap français.