Parce que Peter Parker et Bruce Wayne ne sont pas les seuls à avoir une identité secrète, voici un panorama des artistes du rap français qui riment tout en protégeant leur identité : pourquoi, dans quel but et avec quel impact ?
A l’heure où l’image est essentielle pour le développement d’un artiste, il peut paraître étrange de rencontrer un rappeur qui refuse avec véhémence d’apparaître le visage nu. Et pourtant, je vous propose aujourd’hui de se pencher sur une sélection de rappeurs français qui, des années 1990 à aujourd’hui, ont voulu rester masqués.
Combattre le crime et les super-vilains est une chose, garder son anonymat en est une autre (quoique souvient liés, tout le monde a vu The Amazing Spider-Man non ?)
Dans le rap français, le problème de l’anonymat existe aussi pour certains qui, depuis un certain temps, ont accepté de montrer leur visage, tandis que d’autres résistent et continuent à rapper «masqués».
Rockin’Squat :
Le chef du groupe Assassin, maintenant rappeur solo, a pendant longtemps voulu cacher son visage, ceci étant accompagné d’une interprétation plutôt attrayante de la musique qui comprenait un rejet complet de la starification. Du coup, il n’est plus question de montrer son visage, même pour la vie dans Nulle Part Ailleurs.
Les clips ?
La grande majorité des clips d’Assassin présentaient rarement la tête du rappeur au premier plan, la plupart du temps il était en silhouette, au milieu de ses acolytes, ou simplement portant une casquette ou une cagoule juste pour garder son visage dehors. Le flou.
En concert ?
Dans les années 2000, Squat a certes commencé ses concerts avec un sweat à capuche traditionnel, mais il est resté pragmatique. Après quelques pièces, il s’est retrouvé avec un maillot comme tout le monde. Aussi “anti-star” que Squat pouvait être, il y a des limites à tout, même si on aime transpirer.
Combien de temps cela a-t-il duré ?
Bien qu’il y ait toujours eu des photos d’archives de l’artiste apparaissant sans se cacher de l’objectif, on peut dire qu’il a démissionné « officiellement » en 2008 lors de son apparition à la télévision dans Le Grand Journal. Après une chanson live, il rejoint les invités et laisse tomber les lunettes noires. Ironie du destin : le rappeur a joué son titre France à Fric au lieu de celui initialement prévu (Enfant de la balle) ce qui, selon lui, lui a valu d’atterrir dans la liste noire de la télévision française.
Lefa :
Dans Sexion d’Assaut, Lefa était celui qui cachait son visage , tout le temps, à chaque apparition. Impossible de voir ses yeux, le bougre baissait sa casquette, souvent doublée d’une capuche. A sa demande, son visage était d’ailleurs flouté de certains reportages et vidéos promotionnelles.
Les clips ?
Même look que dans les freestyles filmés du groupe : tête un peu inclinée et couvre-chef sont toujours de la partie.
En concert ?
Il gardait sa casquette et son visage baissés dans la mesure du possible , ce qui n’était d’ailleurs pas super pratique et doit expliquer en partie son évolution. Le comble étant les lives du morceau Casquette à l’envers où l’artiste se trouvait contraint de porter une casquette à l’envers… par-dessus sa capuche baissée jusqu’aux yeux. Pas facile.
Combien de temps ça a duré ?
Jusqu’à l’album L’Apogée (2012). Il a sans doute fini par comprendre que, vu le type de public visé, il pouvait paraître contre-productif de garder un style Faites Entrer L’Accusé. Lefa semble avoir coupé la poire en deux en optant pour des lunettes noires, comme son collègue Gims.
Siboy :
Membre du 92i, Siboy a multiplié les clips et les freestyles l’année dernière, en plus d’un titre en vedette sur le dernier album de Booba, Nero Nemesis. Originaire de Mulhouse, le rappeur en colère ne lâche jamais sa cagoule. Notez que c’est l’un des rares de la liste à avoir compris qu’un masque est plus pratique si vous tenez une ouverture pour la bouche.
Les clips ?
Cagoule, toujours, avec des variations de couleurs en fonction des vêtements : ce n’est pas parce que vous êtes dans un cosplay GIGN que vous devez en oublier votre big drip.
En concert ?
Qui n’a pas vécu, verra tchi
Stavo
Combien de temps ça va durer?
De son propre aveu, Siboy considère le port d’une cagoule comme « délirant » et n’exclut pas de l’enlever un jour. Il faudra attendre pour voir son évolution mais, a priori, tant que cela ne l’empêche pas d’imiter une co-star dans ses clips, il n’a aucune raison particulière de changer.
Kekra :
Le rappeur français Kekra, l’une des sensations rap du moment, fait complètement partie de cette catégorie des rappeurs masqués. Le rappeur au top de la hype revient toujours plus masqué dans ses clips, mais pourquoi ce choix ?
Pour la saison 2 de l’émission musicale Noisey, l’auteur de Sans Visage et 9 Mili était à la Gaieté Lyrique, à Paris, le 20 mai 2017. Il a répondu, dans un très bon anglais, aux questions des journalistes de Viceland.
Pourquoi porte-t-il le masque ? Si certains ont pensé que c’était pour « ne pas contaminer les autres », l’artiste du 92 donne cette fois une réponse plutôt sincère.
« Pour que ma mère ne découvre pas que je suis un rappeur, elle serait déçue”,dit-il. “Elle aurait honte je pense. Parce que j’ai honte de ce que je fais actuellement. Parce que le rap ce n’est pas un vrai métier, le rap c’est de la merde. »
Pour conclure, préserver son identité, rester à l’écart de l’engouement de la vie de star, ou même ne pas se faire cramer par sa mère sont, nous pensons, de bonnes raisons d’apparaître masqué devant son public. En effet, n’est-il pas préférable qu’on nous juge sur notre musique plutôt que sur ce qu’on laisse paraître ?
Valentin MASTALSKI
